Licenciement pour faute grave après rupture conventionnelle : que deviennent les indemnités ?
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Peut-on être licencié pour faute grave après avoir signé une rupture conventionnelle ?
Oui, c’est possible.
De la même manière qu’un salarié déjà licencié pour cause réelle et sérieuse (comme une insuffisance professionnelle ou une faute simple) peut ultérieurement être licencié pour faute grave si de nouveaux faits sont découverts, un salarié ayant signé une rupture conventionnelle peut faire l’objet d’un licenciement disciplinaire si des faits graves apparaissent après la signature.
Exemples de fautes graves découvertes après signature
- Fausses notes de frais
- Actes de concurrence déloyale
- Faits de harcèlement moral ou sexuel révélés tardivement
Que peut faire l’employeur avant et après la fin du délai de rétractation ?
L’employeur dispose d’un délai de rétractation de 15 jours suivant la signature de la rupture conventionnelle. Pendant ce délai :
- Il peut se rétracter et engager une procédure de licenciement disciplinaire.
Même après expiration de ce délai et après homologation de la rupture conventionnelle par la DREETS, l’employeur peut encore procéder à un licenciement disciplinaire, à la condition que le contrat de travail ne soit pas encore arrivé à son terme.
Cela s’explique par le fait que l’homologation peut être demandée par l’une ou l’autre des parties, et que le contrat reste en cours jusqu’à la date fixée dans la convention.
Rupture conventionnelle : maintien du contrat jusqu’à la date prévue
Il est courant que la rupture conventionnelle prévoit un maintien du contrat de travail au-delà du délai d’homologation, par exemple pour une durée correspondant au préavis qu’aurait perçu le salarié en cas de licenciement.
Le salarié peut donc rester en poste ou être dispensé de travail jusqu’à la date de fin du contrat prévue.
La question clé : l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est-elle due en cas de licenciement pour faute grave postérieur ?
La réponse vient d’être apportée par la Cour de cassation dans un arrêt du 25 juin 2025 (n°24-12.096).
Les faits
- Signature d’une rupture conventionnelle en janvier, avec une fin du contrat prévue en juin.
- Salarié dispensé de travail pendant toute la période.
- Après homologation de la rupture, l’employeur licencie le salarié pour faute grave (faits de harcèlement sexuel dénoncés après le départ effectif du salarié).
Décisions des juges du fond
Le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel de Versailles ont débouté le salarié. La Cour d’appel a estimé que la faute grave justifiait la rupture immédiate du contrat, empêchant le salarié de prétendre aux 68.000 € d’indemnité négociée dans la convention.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse cette décision et précise :
« L’employeur peut licencier le salarié pour faute grave entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période. Toutefois, la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention, le licenciement n’affectant pas la validité de la rupture conventionnelle mais ayant seulement pour effet, s’il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date prévue. »
Conséquence pratique
- Le salarié conserve son droit à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, même en cas de licenciement disciplinaire postérieur.
- Seul effet du licenciement pour faute grave : la rupture anticipée du contrat avant la date initialement prévue, comme cela aurait été le cas pour un salarié dispensé de préavis et licencié pour faute grave pendant ce préavis.
Comparaison avec le licenciement pour cause réelle et sérieuse suivi d’une faute grave
Cette décision harmonise les règles applicables :
Situation | Conséquence sur les indemnités |
Licenciement pour faute grave après licenciement pour cause réelle et sérieuse (pendant préavis) | Perte de l’indemnité de préavis restant à courir, mais maintien de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement |
Licenciement pour faute grave après rupture conventionnelle (avant la date d’effet) | Perte du maintien du salaire jusqu’à la date prévue, mais maintien de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle |
Un point de vigilance subsiste toutefois concernant la période de dispense de travail :
En cas de dispense de poste suite à une rupture conventionnelle, et contrairement au licenciement, le salarié semble perdre le bénéfice du maintien du salaire jusqu’à la date prévue en cas de licenciement pour faute grave.
Un signal fort en faveur de la protection des salariés
Cette décision est particulièrement protectrice pour les salariés, notamment dans le contexte où :
- La rupture conventionnelle est souvent utilisée comme substitut au licenciement économique, sans obligation de respecter l’ordre et les critères du licenciement économique ni l’obligation de reclassement.
- Le nombre de ruptures conventionnelles explose : plus de 500.000 par an contre 75.000 licenciements économiques.
Licenciements et ruptures conventionnelles sur la Dares
Cela évite que des employeurs puissent, après avoir écarté les règles protectrices du licenciement économique, se soustraire ensuite au paiement de l’indemnité négociée en invoquant tardivement une faute grave.
Conclusion
La Cour de cassation confirme que l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle naît dès la fin du délai de rétractation, indépendamment d’un licenciement ultérieur pour faute grave.
Seul le salaire restant dû jusqu’à la date de fin de contrat de travail prévue peut être perdu, mais l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est sécurisée.