Licenciement : le salarié peut-il exiger la communication de ses emails professionnels ?
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Un salarié licencié peut-il demander à son ancien employeur de lui transmettre l’ensemble des emails échangés via sa messagerie professionnelle ? Quels sont les droits issus du RGPD et les dernières décisions de la Cour de cassation en matière d’accès aux données personnelles après la rupture du contrat de travail ? Tour d’horizon des règles applicables.
Messagerie professionnelle et RGPD : un droit d’accès renforcé pour le salarié
Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) impose à tout employeur de permettre à ses salariés d’accéder aux données personnelles les concernant. Cela inclut traditionnellement les éléments du dossier professionnel : contrat de travail, évaluations, bulletins de paie... Mais désormais, cela couvre également le contenu des emails professionnels, envoyés ou reçus pendant la durée d’exécution du contrat.
Avant 2025 : une difficile quête de preuve pour les salariés licenciés
Historiquement, les salariés licenciés se heurtaient à un régime probatoire défavorable :
- Blocage d’accès immédiat à la messagerie dès la convocation à entretien préalable.
- Clauses de charte informatique interdisant tout transfert de documents professionnels vers une adresse personnelle.
- Risque d’accusation de vol de documents en cas de conservation par le salarié de preuves internes.
Cette situation privait souvent le salarié des éléments indispensables pour se défendre devant le Conseil de prud’hommes.
Le tournant jurisprudentiel : affirmation du droit à la preuve du salarié
La Cour de cassation a progressivement renforcé le droit du salarié à se constituer des preuves, même en utilisant des documents internes à l’entreprise :
- Arrêt du 2 décembre 1998 (n°96-44.258) : autorisation de produire en justice des documents confidentiels si la défense l’exige.
- Arrêt du 9 avril 2025 (n°24-12.055) : une salariée qui avait transféré des documents confidentiels vers sa messagerie personnelle pour préparer sa défense n’a pas commis de faute, malgré une charte interne qui l’interdisait.
L’arrêt majeur du 18 juin 2025 : droit d’accès aux emails professionnels après licenciement
Dans cette affaire récente, un salarié licencié avait demandé à son employeur la communication de tous ses courriels professionnels échangés durant son contrat de travail.
Le 18 juin 2025, la Cour de cassation a posé un principe fort :
- Les emails professionnels, y compris leur contenu et leurs métadonnées (dates, horaires, expéditeurs, destinataires), sont des données personnelles au sens du RGPD (article 4).
- Le salarié a donc un droit d’accès à ces données, sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits des tiers (article 15 RGPD) ni au secret des affaires.
L’employeur ne peut refuser cette communication sans justification valable. À défaut, il s’expose à :
- Des dommages et intérêts pour préjudice moral ou atteinte au droit à la preuve.
- Des sanctions pour violation du RGPD (plainte CNIL possible).
- Un affaiblissement de sa défense devant le Conseil de prud’hommes.
Quelles sont les données personnelles que le salarié peut demander ?
Le salarié peut exiger la communication de toutes ses données personnelles, dont :
- son dossier professionnel : CV, contrats, avenants, évaluations, entretiens, promotions, sanctions disciplinaires, etc.
- ses fiches de paie : utile notamment en cas de contentieux salarial ou de discrimination.
- ses données de connexion et d’usage informatique : logs d’accès, adresses IP, horodatage, dans le respect du RGPD.
- ses Emails professionnels : contenu et métadonnées des courriels envoyés ou reçus via sa messagerie professionnelle.
Les limites au droit d’accès du salarié
Le droit d’accès n’est pas absolu :
- L’employeur peut anonymiser les données concernant des tiers (collègues, clients, supérieurs…).
- Les informations relevant du secret des affaires peuvent être protégées, sauf à être rendues non identifiantes.
- L’employeur peut demander au salarié de préciser sa demande : période visée, type de messages, mots-clés, etc.
Le délai légal de réponse de l'employeur est d'un mois maximum.