Promesse d’embauche non tenue : les pièges à éviter

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Promesse d’embauche non tenue : les pièges à éviter

Quels sont les pièges à éviter et les précautions à prendre avant de signer une promesse d'embauche ? Vous venez de recevoir une proposition d’embauche de la part d’un nouvel employeur. Attention, avant de démissionner de votre emploi actuel. Cadre Averti fait le point pour tout savoir sur la promesse d'embauche notamment lorsqu'elle n'est pas tenue par l'employeur. 

Ne pas confondre l’offre d’emploi et la promesse d’embauche

Quand il adresse une offre d’emploi à un salarié, l’éventuel employeur manifeste son intérêt à l’embaucher, il entend donc retenir son attention. L’employeur n’est pas tenu dans l’offre d’emploi de décliner les modalités essentielles de la future collaboration telle que par exemple la rémunération. L’offre d’emploi n’est pas forcément nominative. Elle ne fixe pas de délai d’acceptation par le salarié.

L’employeur peut donc se rétracter de l’offre d’emploi formulée qui n’était qu’un préalable à de futures discussions en vue du recrutement du salarié.

Ce n’est que si une offre d’emploi nominative, et qui fait état de façon précise des modalités du futur contrat de travail est acceptée par le salarié, que l’offre d’emploi ayant alors valeur de promesse d’embauche, l’employeur sera lié avec une éventuelle indemnisation à verser au salarié s’il ne donne pas suite.

Au contraire de l’offre d’emploi la promesse unilatérale d’embauche précise les conditions essentielles de la collaboration, à savoir la nature du poste, la rémunération, le lieu de travail, et la date d’embauche, et fixe un délai au salarié pour accepter la proposition. 

Quelle est la valeur de la promesse d'embauche ?

En cas d’acceptation dans le délai fixé, la promesse unilatérale d’embauche vaut contrat de travail

Quand l’entreprise adresse à un salarié une promesse unilatérale d’embauche, il s’agit en réalité d’une offre de contrat de travail sous condition suspensive, à savoir l’acceptation par le salarié. A partir du moment où l’employeur a adressé la promesse d’embauche, il ne peut plus se rétracter.

Ainsi, selon un arrêt de la Cour de Cassation du 21 septembre 2017, n°16-20.13, l’offre de contrat de travail est « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter, n’empêche pas la formation du contrat de travail promis. »

Ce n’est que si le salarié ne retourne pas la promesse d’embauche signée dans les délais, que l’employeur sera délié de la promesse d’embauche.

Promesse d'embauche non tenue : quelles sont les conséquences de la rétractation de l’employeur ?

Si l’employeur se rétracte de la promesse d’embauche avant le délai fixé pour l’acceptation du salarié (a fortiori si le salarié a accepté dans le délai), il y a alors rupture abusive du contrat de travail. Le salarié devra percevoir son indemnité de préavis (3 mois s’il est cadre), il ne touchera pas d’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, faute d’ancienneté. En revanche, il devrait être admis à toucher des dommages et intérêt réparant son préjudicie.

Le salarié victime d’une rétractation abusive de la promesse d’embauche peut-il obtenir des dommages et intérêts ?

Le préjudice d’un tel salarié peut être considérable. Le salarié qui a donné sa démission chez son précédent employeur au vu d’une promesse unilatérale d’embauche, et qui reçoit une rétractation de cette promesse alors que le délai pour l’accepter n’est pas expiré, sera extrêmement pénalisé s’il est âgé, avec des difficultés de repositionnement prévisibles et s’il disposait d’une grande ancienneté chez son précédent employeur. Or, son indemnisation pose problème, en raison du barème MACRON.

En effet, la rétractation abusive de la promesse d’embauche est, du fait de l’existence d’un contrat de travail, requalifiée en licenciement abusif.

Or, selon le barème Macron, les dommages et intérêts judiciaires en cas de licenciement abusif, sont limités en fonction de l’ancienneté et un salarié qui n’a aucune ancienneté puisqu’il n’a pas encore pris son poste, n’a droit à rien.

Il s’agit là d’une situation injuste, puisque l’employeur de son côté peut obtenir des dommages et intérêts si le salarié, après avoir accepté la promesse d’embauche, n’y donne pas suite.

En cas de promesse d'embauche non tenue, le salarié doit donc réclamer des dommages et intérêts, non pas en raison de la rupture elle-même, mais des circonstances dans lesquelles elle est intervenue. A titre d’exemple, le contexte vexatoire d’un licenciement justifie une réparation spécifique, supplémentaire à celle fixée en application du barème Macron.

Même si le contrat de travail n’a pas eu de commencement d’exécution, c’est le Conseil de Prud’hommes qui sera compétent pour examiner les demandes du salarié.

Promesse d’embauche : le salarié peut-il se rétracter ?

En retournant signée une promesse d’embauche, le salarié lève la condition suspensive, et est donc, comme l’employeur, lié par un contrat de travail. Il ne peut donc pas se rétracter. S’il entend ne pas donner suite, il lui appartient de minimiser pour le nouvel employeur les conséquences de sa défection. Ces dernières peuvent être lourdes. Ainsi, si la promesse fixe un délai d’embauche à 3 mois, pour permettre à un cadre d’effectuer son préavis chez son ancien employeur, et si le salarié fait défaut le jour fixé pour l’embauche, alors que tous les autres candidats ont été éconduits depuis longtemps, l’employeur pourra, à juste titre, réclamer devant le Conseil de Prud’hommes des indemnités à l’encontre du salarié, trois éléments étant pris en compte :

  • la perturbation importante de l’activité, économique de l’entreprise, du fait de l’absence du salarié recruté ;
  • la mise en place d’une promesse de recrutement spécifique et l’intervention d’un cabinet spécialisé couteux ;
  • l’importance des fonctions du salarié et le caractère stratégique de son poste.

Plutôt que de faire comme certains employeurs, c’est-à-dire d’attendre le début de la période d’essai s’il en est prévu une dans la promesse d’embauche, pour la rompre rapidement, il appartient au salarié qui a changé d’avis, de le faire connaitre le plus tôt possible à l’employeur pour atténuer les conséquences dommageables engendrées par sa décision, généralement dûe à l’acceptation d’une autre proposition.

Promesse d’embauche : attention au piège de la période d’essai

Un salarié qui a une grande ancienneté, démissionne au vu d’une promesse d’embauche qui détermine son poste et sa rémunération, mais qui ne fixe pas de période d’essai. Lors de son arrivée au sein de la société, il lui est demandé de signer un contrat de travail beaucoup plus complet, qui le contraint à une période d’essai. Certes, le salarié peut à ce moment-là reprendre sa liberté et ne pas donner suite à l’embauche au motif que la période d’essai est une exigence nouvelle par rapport aux conditions énoncées dans la promesse. Mais encore faut-il qu’ils soit en position de le faire, alors qu’il a démissionné de chez son précédent employeur, et qu’il n’a pas de perspectives de retrouver un autre emploi à bref délai. S’il signe le contrat de travail prévoyant pour lui une période d’essai et s’il est licencié pendant cette dernière, le salarié n’aura pas de recours.

En effet, selon la Cour de Cassation (chambre sociale 12 juin 2014, n°12-29.063) dans la mesure où le salarié a accepté de signer postérieurement à la promesse d’embauche qui vaut elle-même contrat de travail, un nouveau contrat de travail, c’est ce dernier qui prévaut « ayant, par une appréciation souveraine de la commune intention des parties, considéré qu’elles avaient entendu soumettre la relation de travail aux stipulations du second des deux contrats successivement signés le 11 avril 2009, qui prévoyait une période d’essai d’un mois, la Cour d’Appel a exactement retenu que la rupture survenue le 5 mars 2009 était intervenue au cours de cette période ». Il suffit donc pour l’employeur qui entend ne pas donner suite à la promesse d’embauche, par exemple parce qu’il a identifié un candidat qui lui convient davantage, d’imposer au salarié précédemment pressenti, une période d’essai dans son contrat de travail, et de rompre rapidement cette dernière pour se mettre à l'abris de toutes poursuites de la part du salarié.

Pour éviter un tel piège, il appartient au salarié d’obtenir la confirmation, avant de remettre sa démission chez son précédent employeur, qu’il ne sera pas lié par une période d’essai.

Promesse d’embauche : attention aussi à la clause de non-concurrence 

Comme pour la période d’essai, si la promesse d’embauche ne mentionne pas de clause de non-concurrence et si lors de son intégration chez son nouvel employeur le salarié est tenu de signer un contrat de travail qui prévoit une telle clause, il sera confronté au choix suivant :

  • refuser d’être lié par un tel engagement et en conséquence ne pas donner suite à l’embauche au motif qu’il s’agit d’une condition nouvelle non prévue dans la promesse unilatérale d’embauche,
  • soit s’il a démissionné pour prendre le poste et s’il n’a pas d’autre perspectives de repositionnement, signer le nouveau contrat de travail, et être lié par la clause. Or, une clause de non-concurrence peut être très entravante. Si à un moment donné le salarié est en difficulté dans son poste, il cherchera à se repositionner ailleurs, en s’adressant notamment à la concurrence, où il pourra le mieux faire valoir sa compétence. Certes souvent l’employeur au moment de la rupture du contrat de travail lève la clause de non-concurrence pour ne pas avoir à payer l’indemnité de non-concurrence, mais en aucun cas le salarié qui a identifié un autre poste à la concurrence ne peut prendre le risque de démissionner tant qu’il n’a pas une telle certitude. Comme pour la période d’essai, le salarié doit obliger son futur employeur à se prononcer sur la clause de non-concurrence, avant de donner sa démission de son précédent emploi ou avant d’éconduire d’autres propositions d’embauche.

A un degré moindre, il en est de même pour d’autres clauses contraignantes du contrat de travail qui pourraient ne pas figurer dans la promesse d’embauche, notamment la clause de mobilité (voir clause contraignante du contrat de travail).

Promesse d’emploi : pourquoi il faut signer tous les documents joints

Il faut faire attention à signer tous les documents annexés à la promesse d’embauche, et surtout en aucun cas il ne faut porter des ratures ou des modifications manuscrites sur la promesse elle-même.

Dans une affaire récente, une salariée avait retourné dans le délai sa promesse d’embauche, mais en omettant de signer l’avenant qui y était joint, définissant les conditions de sa rémunération variable. La Cour d’Appel considérant que l’absence de signature portant uniquement sur la part variable de la rémunération était « sans emport », la Cour de Cassation par un arrêt du 13 avril 2022, n° 20-22.454, constate l’absence d’accord sur un point essentiel du contrat de travail, en l’occurrence la rémunération variable, ce d’autant plus que les pourparlers sur la détermination du bonus s’était poursuivis par la suite.

Dans ces conditions, la promesse d’embauche ne valant pas contrat de travail, ne lie pas l’employeur et la salariée n’a droit à aucune indemnisation.

Cas particuliers : la rupture de la promesse d’embauche conditionnelle

Dans certains cas, la promesse d’embauche peut être soumise à la réalisation de certaines conditions : on parle alors de promesse d’embauche conditionnelle.

Ainsi, l’employeur pour exiger du candidat qu’il remplisse certains critères, comme par exemple l’obtention d’un diplôme particulier, avant d’accepter de l’embaucher. Cette condition n’est cependant valable que dans le cas où elle est explicitement énoncée par écrit dans la contenu de la promesse d’embauche.

Par ailleurs, à moins d’avoir formulé des réserves dans sa promesse d’embauche (exemple, lorsque la lettre précise que l’embauche du candidat ne se réalisera qu’en cas de réussite (à un examen, l’ouverture d’un nouveau magasin), l’entreprise s’expose à devoir lui verser des dommages et intérêts si elle revient sur sa promesse d’embauche pendant le délai d’option laissé au candidat.

La meilleure protection : exiger d’emblée un contrat de travail plutôt qu’une promesse d’embauche

Les arguments souvent invoqués par l’employeur pour adresser dans un première temps une proposition d’embauche plutôt qu’un contrat de travail, sont :

  • que le salarié est toujours en poste est doit donc préalablement à la signature d’un contrat de travail remettre sa démission et effectuer son préavis,
  • que la personne que doit remplacer le salarié est elle aussi en poste et qu’il faut qu’elle ait quitté son emploi pour pouvoir consentir un contrat de travail à son successeur.

Il s’agit de deux arguments inopérants, puisque la promesse d’embauche dès qu’elle est acceptée vaut contrat de travail. Il suffit que le contrat de travail proposé initialement au salarié, plutôt que la lettre d’embauche, en fixant dans la lettre d’accompagnement un délai pour le retourner signer, détermine une date d’embauche suffisamment lointaine pour permettre au salarié, en cas d’acceptation, de remettre sa démission et d’effectuer son préavis chez son précédent employeur.

Le salarié doit donc tenter d’obtenir, autant que possible, avant de remettre sa démission et d’éconduire d’autres propositions d’emploi, au lieu d’une promesse unilatérale d’embauche, un contrat de travail précisant d’emblée toutes les modalités de la future collaboration. Ainsi il n’aura ni pièges à éviter, ni précautions à prendre.


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