Nouvelle formation obligatoire pour lutter contre la discrimination en entreprise

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Nouvelle formation obligatoire pour lutter contre la discrimination en entreprise

Pour lutter contre la discrimination dans l’entreprise, le Ministère du travail publie un « référentiel de formation pour prévenir les discriminations dans l’emploi » et de ce fait permet à une loi du 27 janvier 2017 qui était jusqu’à présent restée « lettre morte » faute de contenu, d’entrer en application. 

Qui doit « subir » la formation anti discrimination ? Quel est le contenu de cette dernière ? Qui doit la dispenser ? Donne-t-elle lieu à des sanctions ? Et, au final, sera-t-elle efficace ? Voilà les questions qui se posent.

La discrimination, une réalité dans l’emploi

Selon le référentiel publié, près de la moitié des discriminations déclarées en raison de l’origine et de la couleur de peau se produisent dans la sphère professionnelle. Ainsi, 36 % des saisines reçues par le défenseur des droits relèvent de l’emploi privé et 18 % de l’emploi public. La discrimination en fonction de l’origine et de la couleur de peau n’est que l’un des 26 critères de discrimination interdits par la loi.

La principale discrimination, même si elle est très peu sanctionnée, est celle de l’âge avec plus de la moitié des salariés qui sont licenciés avant 60 ans.

Une formation imposée par la loi pour lutter contre la discrimination

Une formation imposée par la loi à toute une catégorie de personnel du fait de leurs fonctions entraîne des contraintes très lourdes pour les entreprises. Le seul exemple d’autre formation imposée par la loi concerne la sécurité au travail (articles L.4121-1 et suivants du code du travail). Les autres formations sont exigées non pas par la loi mais par des conventions collectives, la CNIL, etc...

Le texte de la formation anti-discrimination résulte de l’article L.1131-2 du code du travail : « Dans toute entreprise employant au moins 300 salariés, dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employés chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l’embauche au moins une fois tous les 5 ans ».

Qui doit accomplir la formation ?

Comme précisé par la loi, il s’agit des salariés chargés du recrutement dans les entreprises de plus de 300 personnes et dans toutes les sociétés de recrutement quelle que soit leur taille. Ce sont donc les salariés qui effectuent personnellement les opérations de recrutement (annonces de recrutement, réception des candidats) qui sont visés, mais généralement ce ne sont pas eux qui sont décisionnaires. Ainsi, le consultant d’un cabinet de chasse de tête présentera les dossiers des candidats qu’il aura reçus à son client qui choisira. Si ce dernier a des réflexes discriminatoires il ne sera pas en position de lui faire la leçon. Même chose pour les chargés de recrutement d’une société de plus de 300 personnes, ils ne recrutent pas pour eux mais pour les opérationnels qui choisissent parmi les candidats présentés.

Le contenu de la formation : formation ou rééducation ?

A l’évidence, le premier objectif de la formation anti-discrimination est de faire prendre conscience aux chargés de recrutement qu’ils peuvent avoir des penchants discriminatoires. Ainsi, selon le référentiel, parmi les « objectifs pédagogiques que doit contenir la formation » figurent :

  • Questionner ses propres stéréotypes,
  • Cerner les biais et habitudes qui peuvent entraver l’objectivité d’un processus de recrutement,
  • Ouvrir sur les pratiques de management inclusif,
  • Prendre conscience de l’existence de biais cognitifs,
  • S’assurer d’appliquer les mêmes critères à l’ensemble des candidats,
  • Prendre conscience des risques de discrimination au moment des sélections,
  • Et, enfin, « Embaucher sans discriminer ».

L’accent est donc mis sur la prise de conscience d’éventuels réflexes discriminatoires plutôt que sur une formation académique ou technique.

Qui peut assurer la formation ?

La seule exigence est que le formateur soit extérieur à l’entreprise puisque selon le référentiel « Lorsque la formation est assurée par des personnes en interne, celles-ci ne disposent pas nécessairement des compétences pédagogiques nécessaires ou d’une maîtrise de la problématique de la non-discrimination suffisante ».

Aucune spécialisation, certification ou diplôme ne sont requis. Toujours selon le référentiel, le formateur doit disposer « d’un socle de connaissances en ressources humaines et en droit du travail indispensable pour pouvoir délivrer cette formation. Au-delà de ces compétences, il est indispensable que les formateurs aient une connaissance solide en matière de lutte contre les discriminations dans l’emploi. En complément de ce socle de base, des notions en matière de droit de la non-discrimination et la connaissance de la jurisprudence dans ce domaine seront valorisées mais pas exigées ». Certes, les entreprises, pour financer la formation de la non-discrimination par des fonds publics peuvent alors s’adresser à des prestataires certifiés QUALIOPI. Toutefois, cela implique une lourdeur administrative et des frais. Certaines entreprises choisiront donc de s’adresser à un formateur qu’elles paieront de leurs deniers mais éventuellement peu cher puisque la seule exigence est de disposer « d’un socle de connaissances en ressources humaines et en droit du travail ».

Durée et périodicité de la formation

Selon le référentiel « Une formation d’une durée minimale d’une journée et/ou de 7 heures est préconisée ». La formation peut s’effectuer en présentiel ou en distanciel. Quant à la périodicité elle est fixée par l’article L.1131-2 du code du travail, soit « au moins une fois tous les 5 ans ». La question qui se pose est de savoir si la personne chargée de recrutement nouvellement embauchée au sein d’un cabinet de recrutement ou d’une société de plus de 300 personnes doit accomplir la formation dès son arrivée ou si l’employeur peut attendre 5 ans. Même si la loi ne le prévoit pas, la prudence commande de justifier que le chargé de recrutement a reçu la formation anti-discrimination dès son embauche.

Quelles sont les sanctions en cas de non-respect de la formation anti-discrimination ?

Il n’y a pas de sanction prévue par la loi. En revanche, le risque pour l’employeur est qu’un candidat qui s’estime évincé pour discrimination n’attaque devant le Conseil de prud’hommes si le chargé de recrutement n’a pas accompli la formation anti-discrimination dans les délais. Il pourra obtenir des dommages et intérêts, et ce même si la discrimination à l’embauche n’est pas retenue. En effet, la formation anti-discrimination étant une obligation légale, l’employeur qui ne s’y conforme pas commet une faute.

La formation anti-discrimination sera-t-elle efficace ?

Nul ne remet en cause la nécessité de lutter contre la discrimination dans l’emploi. Toutefois, la formation obligatoire imposée par l’article L.2242-1 du code du travail est lourde pour les entreprises, tant sur le plan financier que sur le plan administratif. Tel qu’il résulte du référentiel, il ne s’agit pourtant pas de formation à proprement parler, soit l’acquisition de connaissances, mais plutôt de provoquer un changement de mentalité. Or, les « employés chargés des missions de recrutement » ne sont, au final, pas les décideurs en matière de recrutement. Il y a d’autres façons plus efficaces pour lutter contre la discrimination dans l’emploi, telle la loi relative à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes qui prévoit de véritables sanctions en cas de non-respect et qui a réellement contribué à réduire la différence de rémunération entre les sexes.

Une autre solution serait une exploitation plus large du livre d’entrée et de sortie du personnel que doit tenir chaque entreprise et qui permet d’identifier les pratiques discriminatoires, et notamment celle qui affecte le plus grand nombre de salariés, à savoir la discrimination pour âge.


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