Abandon de poste : quels sont les risques pour le salarié ?

 

« Quels sont les risques d'un abandon de poste ? » ;  « Est-ce qu'on touche le chômage après un abandon de poste ? » ; « Comment réussir son abandon de poste ? » « Comment faire un abandon de poste en CDI ou en CDD ? ». Voilà les questions que se posent les internautes. Cadre Averti fait le point sur les évolutions de la loi en 2023. 

Quel est le mieux démissionner ou abandon de poste ?

La démission est désormais préférable à l'abandon de poste, car elle est considérée comme une rupture volontaire du contrat de travail. Cela signifie que le salarié est libre de quitter son emploi à tout moment, sans risque de poursuites ou de licenciement. En revanche, l'abandon de poste est considéré comme une faute professionnelle, et peut donc entraîner des poursuites ou un licenciement. Plus délicat encore pour le salarié, l'article L. 1237-1-1 introduit dans le Code du travail prévoit une présomption de démission en cas d'abandon de poste, après mise en demeure par l’employeur. Dans ce cas de figure le salarié sera privé du bénéfice du régime d'assurance chômage. Il est donc préférable de démissionner si vous souhaitez vraiment quitter votre emploi, plutôt que de vous absentez sans autorisation de l'employeur. Car il n'y aucun avantage à abandonner son poste.  

Quels sont les avantages d'un abandon de poste ?

Il n'y a plus aucun avantage à se risquer à faire un abandon de poste, en revanche les inconvénients sont nombreux. Un abandon de poste peut avoir des conséquences négatives pour l'employé, telles que :

  • Perte de revenus immédiats : Lorsque le salarié quitte son poste ou ne se présente plus à son poste de travail, sans justification légitime, il ne perçoit pas de salaire. 
  • Perte des allocations chômages : L'article 4 de la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 prévoit qu'un salarié qui abandonne son poste et qui ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure peut être considéré comme démissionnaire. Dans ce cas il ne peut pas prétendre aux indemnités Pôle Emploi. 
  • Perte des indemnités de ruptures : les indemnités de licenciement ne sont pas payés aux employés qui quittent leur poste de façon volontaire.

Il est donc généralement préférable de démissionner de manière professionnelle et en respectant les délais de préavis convenus dans le contrat de travail, pour minimiser les impacts négatifs sur la carrière professionnelle. Si le salarié a des reproches à faire à son employeur, il doit engager une procédure et éventuellement consulter un avocat ou juriste, mais il ne doit pas seulement quitter son poste s'il souhaite maintenir ses droits. 

Ne pas confondre l’abandon de poste, le droit de retrait et le droit de grève 

Il y a abandon de poste quand le salarié quitte son poste de travail sans autorisation de l'employeur et sans justification. Le salarié peut toutefois quitter son poste s’il a une raison légitime, par exemple la maladie, l'exercice du droit de retrait, ou encore l’exercice du droit de grève. 

En cas de maladie, s’il ne veut pas être accusé d’abandon de poste, le salarié doit adresser à l’employeur son arrêt maladie qui lui a été délivré par son médecin dans les 48 heures. 

Dans le cas de l’exercice de son droit de retrait, le salarié doit alerter immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Le salarié peut alors se retirer d'une telle situation (Article L4131-1 du code du travail). L'employeur ne peut demander au salarié de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent. S’il démontre un risque grave sur le plan psychologique (harcèlement moral) le salarié peut également exercer son droit de retrait. 

Dans le cas de l’exercice du droit de grève, il faut réunir les 3 conditions suivantes : 

  1. un arrêt total du travail ; 
  2. un arrêt collectif du travail par l'ensemble des salariés grévistes (en pratique il faut être au moins 2 mais l’appel d'un syndicat à faire grève n'est pas nécessaire) ;
  3. des revendications professionnelles. 

Est-ce que l’abandon de poste justifie toujours une procédure de licenciement pour faute grave ? 

Non. Tout d’abord, il convient de rappeler que le Code du travail ne définit pas clairement la notion d'abandon de poste, seule la jurisprudence évoque des cas. A titre d'illustration, l'absence injustifiée et prolongée d'un salarié malgré plusieurs relances de l'employeur constitue une faute grave (Cass. soc. 23 janvier 2008 n° 06-41.671). Toutefois, l’abandon de poste ne justifie pas toujours un licenciement pour faute grave. Des circonstances dramatiques peuvent motiver le départ du salarié et la prolongation de son absence.

Dans un arrêt du 22 novembre 2000, n° 98-43.283, la Cour de Cassation valide le raisonnement de la cour d'appel, qui a pu décider que l'absence du salarié ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne caractérisait pas une faute grave. En l’espèce, le salarié employé par une société d’imprimerie avait été licencié pour faute grave après avoir été mis à pied pour avoir précipitamment abandonné son poste suite au décès de son frère survenu en Algérie. 

L’abandon de poste n’est pas un acte à prendre à la légère. Si pour certains il offre une alternative à la démission, il n’est pas sans risques pour le salarié.

Quelles conséquences si l’employeur tarde à engager une procédure de licenciement dans les délais ? 

Plus l’abandon de poste perdure, plus le salarié est privé de rentrées d’argent. En effet, pendant cette période, le salarié ne perçoit aucune rémunération puisqu’il ne travaille pas, ses droits au chômage ne sont pas ouverts, et il ne peut être embauché dans le cadre d’un nouvel emploi. L’abandon de poste entraîne la rupture du contrat de travail si et seulement si l’employeur déclenche une procédure de licenciement. Toutefois, l’employeur n’a aucune obligation légale de procéder au licenciement. Une longue période de temps peut donc s’écouler entre le début de son absence injustifiée et son licenciement effectif. 

Quelles conséquences si l’employeur licencie le salarié pour abandon de poste ? 

S’il souhaite licencier le salarié pour abandon de poste, l’employeur a un délai de 2 mois pour engager la procédure à compter de la découverte du fait fautif en envoyant une lettre de convocation à un entretien préalable en vue d’une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. L’employeur devra se montrer prudent et s’assurer que l’absence du salarié n’est pas justifiée en lui adressant une lettre recommandée lui demandant des explications et lui fixant un délai pour répondre. Faute de prendre cette précaution l’employeur qui a procédé au licenciement risque de se voir opposer par le salarié un motif légitime (une hospitalisation par exemple). 

Par ailleurs, l’employeur qui a laissé passer le délai de 2 mois, sans procéder au licenciement, sera tenté d’adresser une lettre au salarié le sommant de se justifier et lui fixant une date pour le faire. Si ce dernier ne s’explique pas, l’employeur aura alors un nouveau délai pour le licencier.  

Quelles sont les conséquences de la procédure de licenciement après un abandon de poste ?  

L’abandon de poste caractérisé par une absence injustifiée, prolongée et non autorisée justifie généralement un licenciement pour faute grave. Le salarié licencié pour faute grave ne perçoit ni indemnité de licenciement ni indemnité compensatrice de préavis. Il ne touche que ses congés payés, et éventuellement au prorata, son variable et l’intéressement participation. 

Le salarié en CDD qui commet un abandon de poste ne bénéficie pas de l’indemnité de fin de contrat, autrement appelée indemnité de précarité (article L. 1243-10 du Code du travail).

Quelles conditions pour toucher le chômage après un abandon de poste ? Puis-je toucher le chômage si je fais un abandon de poste ?

Le salarié qui fait un abandon de poste doit faire attention, il n'est pas certain qu'il puisse toucher le chômage. Selon un nouveau texte article L.1237-1-1 du code du travail, voté par l’Assemblée mais qui n'a pas encore été promulgué, le salarié licencié pour abandon de poste sera désormais privé des indemnités chômage. Jusqu'à présent, le type de licenciement pour faute grave ou simple n’avait pas de conséquence sur le droit au chômage, y compris en cas d'abandon de poste mais les choses risquent de changer

Abandon de poste, quels sont les risques financiers ?

L’abandon de poste équivaut à une démission avec un refus du salarié d’effectuer son préavis. De ce fait, l’employeur pourra le faire condamner à devoir payer comme dans le cas de la prise d’acte de rupture les 3 mois de préavis qu’il n’aura pas effectué. Surtout l’employeur pourra alors demander des indemnités supplémentaires en démontrant que la brusque défection du salarié lui a causé un préjudice du fait de l’impossibilité de le remplacer au pied levé et de la désorganisation de l’entreprise qui en a résulté. Si le préjudice est important l’employeur pourra obtenir une forte condamnation.


En définitive, l’abandon de poste n’est pas forcement la solution miracle pour éviter de faire son préavis et toucher les indemnités pôle emploi. Il est important également de ne pas confondre l'abandon de poste, le droit de retrait et le droit de grève. L'abandon de poste se produit lorsqu'un salarié quitte son poste de travail sans autorisation de l'employeur et sans justification. Cependant, le salarié peut quitter son poste s'il a une raison légitime, telle que la maladie, l'exercice du droit de retrait ou l'exercice du droit de grève.


À propos de Cadre Averti

Conçu par Françoise de Saint Sernin, avocate spécialisée dans la défense des intérêts des cadres et dirigeants au sein du cabinet saintsernin-avocats.fr, Cadre Averti a pour ambition de répondre aux premières interrogations de salariés confrontés à un aléa de carrière. Ce site propose ainsi un grand nombre de fiches techniques permettant immédiatement de comprendre les enjeux d’un dossier et de se repérer dans le maquis des textes.

L'ACTUALITÉ

Surveillance en télétravail : quelles sont les limites ?

Le télétravail permet aux salariés une plus grande flexibilité dans l'organisation de leur travail, mais il est également parfois synonyme d’intrusion dans la vie privée et de surveillance permanente. 

Loi contre la discrimination capillaire : quelles conséquences pratiques au travail

Le projet de loi contre la discrimination capillaire adopté massivement par l’Assemblée nationale le 29 mars 2024 part d’un bon sentiment : permettre aux salariés d’arborer leur chevelure à l’état naturel …

Nous suivre


LE COMICS À LA UNE

Témoignages
Appel à témoignage

Vous avez vécu une situation professionnelle singulière qui n'est pas traitée par Cadre Averti ?
Vous pouvez nous en faire part de façon anonyme afin d'enrichir le site.

Laissez-nous un message à :
temoignage@cadreaverti-saintsernin.fr
Merci à vous
Françoise de Saint sernin

Avocate en droit du travail, a créé et anime le site Cadre Averti

Françoise de Saint sernin

Coordonnées du cabinet :

SCP Saint Sernin - 156, avenue Victor-Hugo - 75116 Paris
Tél : 01 40 67 95 93
saintsernin-avocats.fr