En cas de démission motivée, on peut réclamer et obtenir des indemnités de rupture

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En cas de démission motivée, on peut réclamer et obtenir des indemnités de rupture

Le salarié qui démissionne s’interroge sur les indemnités qui lui sont dues dans un tel cas : congés payés, treizième mois, variable, intéressement, participation. Toutefois, il n’imagine pas, puisque c’est lui qui rompt son contrat de travail, pouvoir prétendre à des indemnités de rupture. A tort, s’il motive sa lettre de démission en invoquant des fautes de l’employeur, il pourra saisir le Conseil de Prud’hommes et éventuellement obtenir les mêmes dommages et intérêts qu’en cas de licenciement abusif.

Dans quel cas doit-on motiver sa démission ?

Tout dépend des raisons pour lesquelles on démissionne. Le salarié qui identifie un autre poste plus attractif à l’extérieur, sans avoir de grief contre son employeur, démissionnera sans commentaires et donc sans réserves.

En revanche, celui qui est confronté à une situation anormale, telle que le non-paiement de ses salaires, heures supplémentaires, etc., et surtout celui qui est conscient d’être victime de procédés de dégradation de ses conditions de travail pour l’obliger à partir de lui-même (harcèlement moral démissionnaire) a intérêt à adresser une lettre de démission motivée

Que doit contenir la lettre de démission motivée ? 

Il faut tout d’abord énoncer, de façon précise et factuelle, les éléments caractérisant la dégradation des conditions de travail et la détérioration des relations avec l’employeur.

A titre d’exemples, pourront-être mentionnés :

  • une brusque mauvaise évaluation sur des critères subjectifs alors que les précédentes ont toujours été favorables ;
  • ce qui va souvent de pair, une amputation arbitraire du bonus (ce qui aura pour effet de réduire le montant des indemnités de rupture du salarié dont on entend se séparer) ;
  • une mutation à un poste rétrogradant ;
  • pour un manager, la suppression de tout ou partie de ses équipes ;
  • une mise en mobilité avec une placardisation qui s’éternise ;
  • et bien sûr, tous les reproches infondés, brimades et humiliations en public (lors d’un comité, d’une réunion, etc.). 

La démission motivée permet-elle de saisir le Conseil de Prud’hommes dans les mêmes conditions que la prise d’acte de rupture ?

Absolument. Bien que la plupart des salariés l’ignorent, au contraire de la démission sans réserves, la démission avec réserves, et donc démission équivoque, est en réalité une prise d’acte de rupture du contrat de travail puisque le salarié accuse l’employeur de l’obliger à démissionner.

De la même façon que pour la prise d’acte, le salarié indique en principe à la fin de sa lettre de démission motivée qu'il se réserve de saisir le Conseil de Prud’hommes pour obtenir la requalification de sa démission motivée en licenciement abusif.

Il peut toutefois, tout en motivant sa démission, ne pas mentionner le recours au Conseil de Prud’hommes s’il appréhende des relations conflictuelles avec l’employeur, notamment dans le cadre de l’exécution du préavis.

A quelles indemnités puis-je prétendre si le Conseil de Prud’hommes me donne raison ?

Si le Conseil de Prud’hommes constate que c’est l’employeur, qui par ses carences ou ses abus, a poussé le salarié à la démission, il accordera à ce dernier les mêmes indemnités qu’en cas de licenciement abusif.

Tout d’abord l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement que le salarié n’aura pas perçue sur son solde de tout compte puisqu’il aura démissionné et qui peut représenter un montant significatif en cas d’ancienneté. Par ailleurs, il percevra des dommages et intérêts pour licenciement fautif, fixés en fonction de son préjudice et en tenant compte du barème MACRON.

Certes, l’employeur fera valoir que le préjudice est réduit puisque le salarié qui démissionne, comme celui qui prend acte de la rupture de son contrat de travail, renonce (tout au moins dans un premier temps) aux indemnités chômage, c’est donc qu’il a retrouvé un autre emploi !

Toutefois, le salarié poussé à bout a pu démissionner parce que l’employeur lui refusait une rupture conventionnelle. De même, le salarié ancien, âgé, et maltraité depuis longtemps obtiendra une indemnisation importante, même s’il a retrouvé un emploi, a fortiori, si ce dernier est d’un niveau inférieur.

Si le salarié gagne sur la requalification de la démission motivée en licenciement abusif, il obtient alors de façon rétroactive les indemnités Pôle Emploi dont il a été privé dans un premier temps.

Comment choisir entre la prise d’acte de rupture et la démission motivée ? 

Le salarié doit opter pour la prise d’acte de rupture qui implique un départ immédiat de l’entreprise dans les deux cas suivants :

  1. la dégradation de ses conditions de travail caractérise la faute grave de la part de l’employeur avec donc la nécessité pour lui de quitter immédiatement l’entreprise,
  1. il n’entend pas, ou ne peut pas, effectuer son préavis.

Ce sera par exemple le cas si le salarié qui a trouvé un autre emploi est tenu de le prendre sans délai. Il faudra alors qu’il dispose d’un dossier très solide. S’il n’obtient pas la requalification de sa prise d’acte de rupture en licenciement abusif, l’employeur ne lui fera pas de cadeau. Il réclamera sa condamnation à lui payer le salaire du préavis qu’il n’aura pas exécuté (généralement 3 mois pour les cadres), ainsi que des dommages et intérêts supplémentaires pour couvrir le préjudice résultant de sa désertion soudaine.

On constate donc que le salarié cynique, qui a recouru à la prise d’acte de rupture de mauvaise foi pour éviter d’effectuer son préavis, pourra être sévèrement sanctionné.

Rien de tel avec la démission motivée qui ne présente aucun risque et n’offre que des avantages potentiels, bien entendu dans la mesure où :

  1. le salarié aura proposé d’effectuer son préavis malgré la dégradation de ses conditions de travail,
  1. il dispose du temps nécessaire (soit pour un cadre 3 mois).

Le salarié devra bien prendre la précaution de préciser dans sa lettre de démission motivée qu’il entend effectuer son préavis. A défaut, même s’il a expressément fait état d’une démission, la réaction de l’employeur pourra être de faire l’amalgame avec une prise d’acte de rupture et de lui reprocher une désertion immédiate.

A ce compte-là, le salarié étant irréprochable puisqu’ayant démissionné, ce qui est son droit, et ayant de surcroît expressément indiqué qu’il entendait effectuer son préavis, ne pourra pas être mis en difficulté, notamment vis-à-vis de son nouvel employeur, comme c’est souvent le cas à la suite d’une prise d’acte de rupture. 

Dans quel délai saisir le Conseil de Prud’hommes à la suite d’une démission motivée ?

L’intérêt du salarié est de le faire le plus tôt possible pour montrer sa détermination et accréditer son dossier. Toutefois, comme il n’a causé aucun tort à l’employeur, tel que quitter immédiatement son poste comme dans la prise d’acte de rupture, il peut :

  • soit retarder son action, notamment s’il préfère éviter un conflit trop vif avec l’employeur le temps de l’exécution de son préavis ;
  • soit y renoncer, parce que le dossier n’apparait pas suffisamment solide, ou qu’il est passé à autre chose. 

Le salarié qui hésite doit savoir qu’il dispose d’un an à compter de sa démission pour saisir le Conseil de Prud’hommes, sauf à subir la prescription.

Y a-t-il un intérêt à motiver sa démission alors que l’on n’entend pas attaquer l’employeur ?

Le salarié qui motive sa démission est celui qui a des griefs contre l’employeur. Il est normal qu’il les exprime à  l’occasion de la rupture, et ce même s’il n’a pas l’intention de demander la requalification de cette dernière en licenciement abusif.

Par ailleurs, il ne sait pas quelle sera la réaction de l’employeur à sa démission. Par les temps qui courent, avec les problématiques de pénurie d’embauche des cadres, la démission d’un collaborateur précieux peut engendrer du ressentiment avec des conséquences au moment de l’établissement du solde de tout compte et du paiement des salaires et indemnités dus, tels que congés payés, treizième mois, et surtout la rémunération variable. On constate que le salarié a intérêt à se placer en position de force dans le cadre d’une éventuelle négociation. Ce sera également le cas si, alors qu’il a démissionné à cause des agissements de l’employeur, ce dernier n’entend pas le délier de sa clause de non-concurrence.

Peut-on, en cas de démission sans réserves, obtenir quand même la condamnation de l’employeur ?

Oui, mais il faut alors que la démission ait été extorquée par violence ou surprise. Le salarié, dès qu’il reprend ses esprits doit immédiatement demander sa réintégration en dénonçant les circonstances dans lesquelles la démission a été extorquée.

S’il n’obtient pas gain de cause, et s’il démontre être dans son bon droit, de la même façon que pour la démission motivée, sa démission sans réserves sera requalifiée en licenciement abusif.


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