Entre chômage et précarité : la discrimination des salariés âgés

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Entre chômage et précarité : la discrimination des salariés âgés

Et si on s’attaquait enfin aux discriminations dont sont victimes les séniors au travail ? Ces dernières années, un certain nombre d'études ont été menées sur la situation des travailleurs âgés en France. Toutes montrent qu'un salarié âgé a beaucoup plus de chances d'être licencié qu'un travailleur plus jeune. Malgré les discours pour trouver des emplois aux seniors, et leur employabilité au-delà de 50 ans... la vérité est que, pour cette catégorie de salariés, trouver un nouvel emploi est particulièrement difficile, car le marché du recrutement fait preuve de discrimination à leur égard.

La discrimination des salariés dès 50 ans !

Les Français quittent leur emploi en moyenne trois à quatre ans avant les seniors des autres pays européens. La première cause est culturelle. L’entreprise, notamment les grands groupes, ne veut pas des seniors. Elle part du principe qu’un salarié expérimenté est trop cher au regard de la performance fournie. De ce fait, elle est déterminée à s’en séparer dès qu’il franchit un anniversaire fatidique, 50-55-60 ans.

Investir dans la formation des salariés !

En Allemagne, par exemple, le taux d’emploi des seniors est deux fois plus élevé qu’en France. Les salariés allemands quittent à l’heure actuelle la vie professionnelle à 65 ans et 10 mois, sans passer par la case chômage. Les syndicats allemands ont imposé la formation professionnelle tout au long de la carrière, contrairement aux partenaires sociaux français qui n’ont pas les mêmes contre-pouvoirs.

En France, on n’investit ni dans la formation, ni dans l’adaptation des emplois. Beaucoup d’entreprises préfèrent recruter un collaborateur plus jeune et donc "forcément" plus compétent, qu’un salarié qui a de l’expérience mais dont le salaire est plus élevé.

Chômage des séniors : les effets délétères de la réforme des retraites

Le report de l’âge de départ légal à la retraite va encore prolonger la précarité des salariés qui sont jugés périmés par un marché de l’emploi qui les discrimine mais trop jeunes pour prétendre à leur retraite. La Cour des comptes a alerté, dès 2019, sur les risques de paupérisation des séniors exclus de l’emploi. Les seniors licenciés à 57, 58 ans ont épuisé leurs droits à l’allocation chômage (trois ans d’indemnisation au plus) avant d’atteindre l’âge l’égal de la retraite à 62 ans. Ils passent donc par la case "halo autour du chômage". Ils vivent pendant deux ou trois ans sur leurs économies. Cette paupérisation touche plus de 2 millions de personnes dont ne nombreux cadres. Le report de l’âge légal de la retraite à 64 ou 65 ans prolongera de facto cette situation de pauvreté pendant 2 ou 3 années supplémentaires. Encore s’agit-il là des salariés qui ayant cotisé le nombre de trimestres nécessaires peuvent prendre leur retraite à taux plein à 62 ans. Ceux qui sont étranglés financièrement prendront leur retraite « à taux partiel » à 62 ans, mais en subissant alors une décote importante de leurs indemnités de retraite. Ce n’est en effet qu’à 67 ans que le salarié peut prendre sa retraite à taux plein s’il a cotisé le nombre de trimestres nécessaires.

Discrimination des salariés âgés : s’attaquer aux causes plutôt qu’aux amortisseurs !

Dans un rapport récent, l’Institut Montaigne propose la suppression des "préretraites Unedic", dénonçant un "effet pervers" similaire au système des préretraites aidées… Pour éclaircir ce point, il faut préciser que la "préretraite Unedic" invoquée par l’Institut Montaigne, est en réalité le "statut du salarié âgé" Pôle emploi. Le salarié qui est encore en cours d’indemnisation chômage à 62 ans, ce qui suppose qu’il a été licencié et qu’il s’est inscrit à Pôle emploi à 59 ans (trois ans d’indemnisation) conserve le bénéfice des indemnités chômage jusqu’à ce qu’il puisse prendre sa retraite à taux plein à 67 ans. Les entreprises ont donc bonne conscience quand elles se séparent des salariés âgés de 59 ans. Elles savent qu’ils seront moins pénalisés que leurs cadets. La suppression d’un tel mécanisme aurait des conséquences extrêmement graves sur la paupérisation des seniors exclus de l’emploi. Avant de supprimer un amortisseur, il faut s'attaquer aux racines du mal.

Discrimination des salariés âgés : les pistes à l’étude

Les syndicats comme de nombreux rapports proposent des solutions : Index seniors, congé de reconversion professionnelle, évolution de compte personnel de prévention (C2P) ou encore le bénévolat de compétences. Il faut faire attention. L’Index est une très bonne chose car il pourrait permettre de distinguer les entreprises vertueuses et celles qui n’ont pas de vision à long terme. Il faut aussi veiller à ce que les entreprises ne se désengagent pas de l’effort de formation en reportant leur responsabilité sur les salariés et le fameux compte personnel de formation. Enfin, il faut se méfier des processus qui proposent de se délester des salariés sur d’autres structures sous couvert de missions d’intérêt général. Les salariés âgés sont aussi utiles à l’entreprise que les autres. Il n’y a aucune raison qu’un salarié de 61/62 ans ne soit plus profitable s’il a été formé, s’il a continué à exercer des responsabilités.

Discrimination des salariés âgés : le harcèlement moral démissionnaire en entreprise

Beaucoup de salariés âgés sont victimes d’une forme de licenciement pervers. Le harcèlement moral démissionnaire consiste à dégrader exprès les conditions de travail d’un salarié pour provoquer son départ à moindre coût. Si l’on en croit les chiffres de l’Institut Montaigne, la mise au placard dans les entreprises concernerait 200 000 salariés et coûterait 10 milliards d’euros par an. La placardisation consiste à mettre un salarié à l'écart de la vie de l'entreprise en lui retirant progressivement ses prérogatives, ses fonctions… Le contrat du travail du salarié n'est pas rompu, mais il ne lui est plus confié les tâches pour lesquelles il a été recruté. Le salarié sera ainsi soumis à des brimades, des reproches injustifiés, des court-circuitages, une exclusion du circuit d’information… jusqu’à ce qu’il finisse, très atteint psychologiquement, par démissionner ou accepter une rupture conventionnelle au rabais. Les conséquences sont désastreuses car elles entraînent la déstabilisation non seulement des salariés visés mais également de tous les collègues qui sont témoins de ces procédés.


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