Entretien préalable au licenciement : éviter les pièges et optimiser sa défense
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Alors que le salarié est déjà en grande situation de fragilité lors de l’entretien préalable au licenciement, une décision récente du Conseil Constitutionnel donne à l’employeur une occasion supplémentaire de le piéger. Le salarié doit donc préparer soigneusement son entretien préalable au licenciement de façon à transformer ce dernier en atout favorable pour lui.
L’entretien préalable au licenciement : un rapport de force très déséquilibré
L’entretien préalable se tient souvent à 4 personnes, d’un côté le DRH et le N+1 du salarié forts de l’assurance que leur donne leur niveau de fonctions ainsi que l’aide de l’avocat de l’entreprise. De l’autre côté le salarié en situation d’infériorité, sous le coup d’un licenciement, et qui peut, certes, se faire assister par un salarié de l’entreprise ou un conseiller du salarié mais qui souvent n’ose pas, de peur d’indisposer l’employeur. Or, le salarié est confronté à un exercice très difficile. Il est sommé de s’expliquer sur les griefs invoqués pour justifier l’intention de le licencier alors qu’il n’a pas pu préparer à l’avance sa défense parce que l’employeur n'a pas l’obligation de lui faire connaître les raisons de la sanction envisagée avant l’entretien préalable.
Est-il tenu dans ces conditions, alors que l’article L.1332-2 du code du travail précise que : « L’employeur indique les motifs de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié » de s’expliquer sur les griefs énoncés, souvent extrêmement nombreux et variés, alors qu’il est complètement pris au dépourvu et qu’il ne dispose pas des éléments qui lui permettraient de contester ?
Très souvent désormais l’employeur, en même temps qu’il convoque le salarié à un entretien préalable au licenciement, lui notifie une mise à pied conservatoire ou une dispense de poste pour l’exclure immédiatement de l’entreprise et en profite pour lui supprimer l’accès à sa messagerie professionnelle de façon à l’empêcher de produire des contre-preuves pour sa défense.
Le salarié mis dans l’impossibilité de se défendre a-t-il le droit de se taire ?
On attendait beaucoup du Conseil Constitutionnel qui devait se prononcer sur la question suivante : « L’employeur doit-il avertir le salarié avant ou au début de l’entretien préalable qu’il a le droit de se taire ? ». Il s’agissait en effet d’harmoniser en matière des droits de la défense le droit du travail avec le droit pénal. Chaque fois qu’un justifiable est entendu dans le cadre d’une procédure pénale, il doit être préalablement informé qu’il a le droit de « garder le silence » en application de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 selon laquelle nul n’est tenu de s’accuser ni de faire des déclarations qui pourraient se retourner contre lui.
Or, alors que le Conseil Constitutionnel avait récemment confirmé l’obligation de rappeler le droit au silence pour les fonctionnaires et pour les magistrats passibles de sanctions disciplinaires, soit chaque fois que l’administration était en cause, il décidait le 19 septembre 2025 (n° 2025-1160/1161/1162 QPC du 19.09.2025) que les relations entre employeurs et salariés étaient d’ordre « privé » et que les sanctions, tel que le licenciement, n’étaient pas des « punitions » prononcées par une autorité publique. De ce fait, l’employeur n’est pas tenu d’indiquer au salarié qu’il a le « droit de se taire » lors de l’entretien préalable.
Le salarié est-il désormais tenu de s’expliquer sur les motifs du licenciement lors de l’entretien préalable ?
C’est à l’évidence ce que vont affirmer les employeurs invoquant les termes de la décision du 19 septembre 2025 :
« Le Conseil Constitutionnel décide :
- Article 1er : les mots « et recueille les explications du salarié » figurant à l’article L.1232-3 du code du travail ... sont conformes à la constitution »
Il faut s’attendre ainsi à ce que systématiquement, dans la lettre de licenciement, il soit reproché au salarié de ne pas avoir fourni ses explications. Or, même si l’employeur n’est pas tenu de rappeler au salarié convoqué à un entretien préalable qu’il a le droit de garder le silence, ce n’est pas pour autant que ce dernier a l’obligation de se justifier sur les griefs invoqués à son encontre. En revanche, s’il ne veut pas que l’entretien préalable se retourne contre lui il doit le préparer de façon avisée.
Pourquoi se faire assister lors de l’entretien préalable au licenciement ?
La lettre de convocation à entretien préalable doit indiquer au salarié qu’il a la possibilité de se faire assister par un salarié de l’entreprise. S’il n’y a pas de représentants du personnel élus au sein de l’entreprise, l’employeur doit alors indiquer que le salarié peut se faire assister, soit par un salarié de l’entreprise, soit par un conseiller extérieur figurant sur la liste départementale établie dans ce but.
En effet, s’il n’y a pas au sein de l’entreprise de salariés élus et donc protégés, le salarié convoqué à un entretien préalable risque de ne trouver personne qui accepte de l’assister, aucun salarié ne voulant indisposer l’employeur en prêtant main forte à un collègue passible d’un licenciement. Voilà pourquoi le code du travail prévoit que dans un tel cas le salarié peut s’adresser à un conseiller du salarié extérieur à l’entreprise.
Pourquoi faut-il se faire assister lors de l’entretien préalable ?
Non seulement la présence du témoin sera un réconfort pour le salarié mais surtout ce dernier pourra lui apporter une aide efficace en posant les questions appropriées. Ainsi, les interventions du témoin pourront éventuellement permettre au salarié d’éviter le licenciement pour faute grave que s’apprêtait à prononcer l’employeur. Dans certains cas l’argumentaire efficace du témoin, surtout s’il s’agit d’un représentant du personnel respecté au sein de l’entreprise, peut permettre au salarié d’éviter le licenciement. Mais surtout, la présence du témoin lors de l’entretien préalable permet d’établir un compte-rendu de l’entretien préalable. Si le témoin est un représentant du personnel ou un conseiller du salarié, l’employeur ne pourra pas mettre en doute sa bonne foi et donc contester les termes du compte-rendu établi.
Quel est l’intérêt du compte-rendu d’entretien préalable ?
Au début de l’entretien, l’employeur ou le DRH doit exposer les motifs du licenciement envisagé. Si ces derniers sont transcrits sur le compte-rendu établi par le témoin, ou par le salarié mais alors contresigné par le témoin, les motifs sont alors figés. L’employeur est obligé de les reprendre dans la lettre de licenciement sans pouvoir les modifier ou en ajouter d’autres sur lesquels le salarié n’aurait pas eu la possibilité de s’expliquer. Si le salarié est dans l’impossibilité de répondre sur le champ aux motifs invoqués alors qu’il n’en a pas eu connaissance auparavant, il doit le dire et le noter ou faire noter sur le compte-rendu plutôt que de tenir des propos non réfléchis que l’employeur s’empressera de retourner contre lui dans la lettre de licenciement.
Et si les motifs invoqués par l’employeur ne sont pas les véritables raisons du licenciement, le salarié doit-il exposer ces dernières ?
Oui, le salarié a intérêt à faire noter sur le compte-rendu les véritables motifs selon lui de son licenciement pour que l’employeur en tienne compte et y réponde dans la lettre de licenciement. Ce sera le cas notamment si le salarié est accusé d’insuffisance professionnelle alors qu’il peut démontrer qu’en réalité son poste est supprimé dans le cadre d’une réorganisation et que l’employeur devrait, en réalité, procéder à un licenciement économique.