Malade en vacances : le report des congés payés désormais possible
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Une situation longtemps défavorable aux salariés en France
Jusqu’à récemment, le droit français opérait une distinction stricte entre deux hypothèses :
- Avant le départ en vacances : lorsqu’un salarié tombait malade alors qu’il n’avait pas encore commencé ses congés, il pouvait reporter les jours de congés non pris du fait de son arrêt et ce même pour les congés payés qu’il avait déjà posés.
- Pendant les vacances : en revanche, si la maladie survenait après le début des congés, les jours étaient considérés comme consommés. La maladie se « confondait » avec les vacances et le salarié perdait ses jours de repos.
En pratique, un salarié parti en vacances pour tout le mois d’août et victime d’un accident dès le lendemain de son départ ne pouvait pas récupérer son mois de congés, ceux-ci se compensant avec l’arrêt maladie.
La position du droit européen
Cette règle française faisait figure d’exception au regard du droit européen.
Dans les autres États membres, un salarié malade pendant ses congés pouvait les récupérer à une autre période.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a en effet jugé de manière constante que :
- la finalité du congé annuel payé est de permettre au salarié de bénéficier d’un véritable repos, d’une période de détente et de loisirs ;
- la finalité du congé maladie est, quant à elle, de permettre au salarié de se rétablir d’une incapacité de travail.
Ces deux droits sont distincts par nature et ne peuvent se confondre. Ainsi, dans plusieurs arrêts majeurs (notamment Schultz-Hoff, 20 janvier 2009, et Pereda, 10 septembre 2009), la CJUE a affirmé que le salarié doit pouvoir reporter ses congés payés lorsqu’une maladie survient avant ou pendant ses vacances.
Congés payés et maladie : la France rappelée à l’ordre par l’Europe
Constatant que la France refusait de se mettre en conformité avec cette jurisprudence, la Commission européenne a décidé, le 18 juin 2025, d’ouvrir une procédure d’infraction contre la France pour manquement aux règles de l’Union sur le temps de travail.
La Commission a reproché à la législation française de ne pas garantir aux travailleurs la possibilité de récupérer les jours de congés payés coïncidant avec un arrêt maladie, contrairement à ce qu’exige le droit européen. La France disposait d’un délai de deux mois pour répondre, faute de quoi la Cour de justice de l’union européenne pouvait être saisie.
L’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025
Sous cette pression, la Cour de cassation a finalement opéré un revirement de jurisprudence par un arrêt du 10 septembre 2025 (n° 23-22.732) :
« Il convient de juger désormais qu’il résulte de l’article L. 3141-3 du Code du travail que le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie, survenue durant la période de congé annuel payé, a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie. »
Par cette décision, la haute juridiction met un terme à l’exception française et aligne le droit national sur le droit de l’Union.
Le délai de report et l’obligation d’information de l’employeur
L’arrêt a été complété par l’intervention du législateur selon lequel désormais :
- le salarié dispose d’un délai de 15 mois pour reporter et prendre les congés payés non utilisés du fait d’une maladie survenue pendant les vacances (C. trav. , art. L. 3141-19-1) ;
- l’employeur a l’obligation d’informer le salarié de ce droit au report (C. trav., art. L. 3141-19-3).
Si l’employeur manque à cette obligation d’information, le salarié conserve son droit au report mais bénéficie alors d’un délai beaucoup plus long, correspondant à la prescription triennale des salaires.
Autrement dit, le salarié pourra exiger ses congés payés non pris pendant trois ans.
Quelles conséquences pratiques ?
Désormais, lorsqu’un salarié tombe malade pendant ses vacances :
- les jours de congés payés coïncidant avec son arrêt maladie ne sont pas perdus ;
- il pourra les reporter et les prendre dans un délai de 15 mois ;
- l’employeur doit obligatoirement l’en informer, sous peine de voir la durée de report passer de 15 mois à 3 ans.
En résumé
L’évolution opérée en 2025 met enfin le droit français en conformité avec le droit européen : la maladie ne peut plus priver un salarié de son droit aux congés payés.