Licenciement pour harcèlement : ces entreprises qui piègent leurs salariés

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Licenciement pour harcèlement : ces entreprises qui piègent leurs salariés

A l’heure actuelle le harcèlement moral est dans toutes les bouches. Le Monde rapporte par exemple que MICHELIN souhaite « SE DEBARRASSER DE SES MANAGEURS TOXIQUES ». La crise sanitaire a-t-elle accentué les comportements managériaux harcelants ? Y aurait-il une augmentation statistique de la perversité au travail ? Aux vrais cas de harcèlement ne faudrait-il pas ajouter ceux montés de toutes pièces pour se débarrasser des « quinquas » dont la crise accentue de façon inquiétante le départ prématuré et qui, s’ils ont conservé leur ancienneté, coûtent encore cher à licencier ?

Un demi-million de salariés en souffrance au travail. Qui harcèle qui ?

L’institut de veille sanitaire dénombre 480.000 salariés en souffrance psychologique liée au travail (Le Monde 28 avril 2021). La majorité des cas relèvent du harcèlement moral institutionnel ou en langage imagé « démissionnaire » soit la tactique managériale qui consiste pour la direction de l’entreprise à dégrader exprès les conditions de travail des salariés pour les obliger à partir d’eux-mêmes. Las de la placardisation et des brimades, les plus chanceux, après avoir cherché et trouvé un emploi, démissionnent. Ce sera tout bénéfice pour l’employeur. D’autres, après avoir cherché sans trouver, tomberont malade. L’employeur fera alors l’économie du salaire, la Sécurité Sociale prenant le relais. D’autres encore se suicideront. C’est l’affaire France Télécom.

On peut distinguer trois profils distincts de « harceleurs » 

  • Le manageur caractériel ou pervers qui fait souffrir ses collaborateurs de façon vicieuse. A l’heure actuelle il ne pourra poursuivre ses agissements que s’il est certain de bénéficier d’une protection de la part de la direction de l’entreprise.
  • Le manageur qui exécute les ordres qu’il a reçus de harceler les collaborateurs dont l’entreprise entend se séparer de façon à provoquer démission ou rupture conventionnelle à moindre coût. Ce dernier doit toutefois faire attention car quand son heure sonnera, le motif de son licenciement sera tout trouvé.
  • Le manager innocent mais qu’on a décidé de faire partir en montant contre lui un faux dossier de harcèlement moral. C’est généralement un collaborateur âgé et qui dispose d’une ancienneté importante puisque sinon le barème Macron rendrait indolores ses indemnités de départ. Le dispositif peut être aussi mis en place en raison de son influence et de son éventuel potentiel de nuisance pour l’annihiler.

La fausse accusation de harcèlement moral. Tout bénéfice pour l’employeur.

Comment se séparer d’un manager sans susciter de contestation de sa part : monter un dossier d’insuffisance professionnelle contre lui ? Si toutes ses évaluations sont bonnes et si aucun reproche ne lui a été fait il faudra prendre le temps de constituer le dossier, ce qui entrainera sa déstabilisation progressive alors qu’il faut qu’il reste impliqué, donc profitable jusqu’au jour de son départ. Par ailleurs l’insuffisance professionnelle ne permet pas de licencier pour faute grave et donc de priver le salarié de son indemnité de préavis et de son indemnité conventionnelle qui peut être importante s’il a beaucoup d’ancienneté et un salaire élevé. Partant avec un matelas financier, il pourra contester son licenciement et attendre que le Conseil de Prud’hommes lui donne raison. Plus efficace est l’accusation de harcèlement moral sur ses collaborateurs qui prend totalement au dépourvu le manager innocent et le déstabilise profondément. Après des années dans l’entreprise, le salarié atteint dans son honorabilité préfèrera un départ discret plutôt qu’un tonitruant licenciement pour harcèlement moral et donc pour faute grave privative de toutes indemnités. Les entreprises qui recourent à ce subterfuge comptent énormément sur cet élément psychique.

Totalement accablé le salarié hésite à saisir la justice. Il faut pourtant combattre l’idée trop souvent répandue selon laquelle le Conseil de Prud’hommes sera prompt à condamner pour harcèlement des cadres qui du fait de leur niveau et de leur salaire apparaissent comme des patrons. En réalité la juridiction prud’homale ne sera pas dupe puisque dans les lettres de licenciement de managers soumises à son appréciation figure, comme une ritournelle, le reproche d’un comportement fautif vis-à-vis des collaborateurs.

Faux dossier de harcèlement moral, vrai préjudice. 

Le modus operandi pour se débarrasser d’un manager innocent est généralement le suivant. On lui fait part verbalement de plaintes ou de remontées négatives de la part de ses collaborateurs. Peu de temps après on l’informe qu’il va être entendu dans le cadre d’une enquête faite par un cabinet extérieur. Lors de son « audition » on lui précise que pour des raisons de confidentialité on ne peut pas lui révéler le nom des personnes qui se sont plaintes ni des propos tenus. On l’invite à faire état des incidents qu’il a pu rencontrer avec transparence et franchise de façon à pouvoir sauver sa tête. Convoqué par les RH il apprend que le rapport d’enquête qu’on ne peut pas lui remette, toujours pour des raisons de confidentialité, est accablant. On lui propose, pour lui éviter la honte d’un licenciement disciplinaire, une négociation à bas prix. Au final il sera annoncé que l’enquête a mis en évidence non pas du harcèlement moral mais uniquement des erreurs de management. Ainsi l’employeur ne sera pas otage de salariés pouvant se targuer d’avoir été officiellement victimes de harcèlement moral au sein de l’entreprise.

Que faire si l’on est accusé faussement de harcèlement moral ?

Le réflexe du manager accusé de harcèlement moral et convoqué dans le cadre d’une enquête externe et confidentielle doit être de réclamer l’intervention des représentants du personnel pour que l’enquête intervienne sous l’égide de ces derniers et non pas à leur insu.

Les représentants du personnel doivent exiger d’être informés de tout cas de harcèlement pouvant donner lieu à une enquête externe et participer à cette dernière sans se laisser opposer une soi-disant confidentialité qui ne repose que sur un motif factice, à savoir qu’il est nécessaire de préserver la confidentialité des salariés qui sont entendus dans le cadre de l’enquête, de façon à empêcher le supposé harceleur d’exercer des mesures de rétorsion à leur encontre.

Or, quand on en est au stade de l’enquête, le sort du supposé harceleur est scellé, et les personnes entendues, certaines de ne jamais le retrouver sur leur route, n’hésiteront pas à se plaindre de façon zélée quand elles seront sollicitées.

Le manager devra également exiger le respect du contradictoire, soit avoir la possibilité de connaître de façon très précise les accusations portées contre lui et de pouvoir y répliquer.

Les seniors sont particulièrement visés.

« Il y a une volonté de dégraisser le personnel par le haut, par les plus âgés » observe François HOMMERIL, Président de la CFE CGC. La spécificité française consistant à mettre fin de façon prématurée à l’emploi des séniors, s’accélère avec la crise. Les cadres d’un niveau élevé, bien rémunérés, généralement âgés et qui coûtent encore cher à licencier parce qu’ils ont de l’ancienneté, figurent aux premières loges de ce type de pratique. L’entreprise ne veut pas des seniors partant du principe que plus le salarié prend de l’âge et moins il est performant. De ce fait, déterminé à s’en séparer dès qu’il franchit un anniversaire fatidique 50-55, 60 ans, elle n’investit aucunement dans sa formation et son adaptation, certaine que lors de son départ elle recrutera un collaborateur plus jeune, donc « forcément » plus compétent et de surcroit moins cher.

Or, se séparer d’un collaborateur âgé, qui a été irréprochable pendant toute sa carrière, est une tâche malaisée puisqu’il faut éviter les écueils de l’ordre et des critères du licenciement, si on pratique un licenciement économique, et la discrimination s’il apparaît que la seule raison de l’éviction du salarié est son âge.

Voilà pourquoi accuser brutalement le manager de harcèlement moral sur ses collaborateurs, avec une enquête commanditée par l’employeur mais censée être totalement impartiale puisqu’effectuée par un cabinet extérieur est une solution qui présente tous les avantages, l’employeur se payant en sus le luxe d’apparaître comme vertueux puisque se débarrassant de ses managers toxiques.

 

Décidément les salariés, quand ils prennent de l’âge, cumulent tous les défauts. Non seulement ils perdent leur compétence et leur professionnalisme, mais voilà maintenant qu’ils deviennent pervers. Il convient de dénoncer la pratique insupportable qui consiste pour l’employeur peu scrupuleux, à accuser faussement de harcèlement moral pour faire partir dans la honte et sans bourse délier, les collaborateurs âgés et anciens qui l’ont jusqu’alors bien servi, et en adoptant au surplus la posture de l’employeur vertueux.


À propos de Cadre Averti

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