Perte des actions gratuites et des stock-options en cas de vente de la société
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Les actions gratuites et les stock-options : des outils de fidélisation, pas des salaires
Les attributions gratuites d’actions (AGA) et les stock-options sont des instruments financiers utilisés par les entreprises pour attirer et fidéliser leurs talents.
Contrairement au salaire, ces avantages n’ont pas une nature rémunératoire immédiate : il s’agit de produits capitalistiques permettant aux salariés de bénéficier de la valorisation de leur entreprise.
Le principe est simple :
- le salarié reçoit une attribution initiale (AGA ou options) à une date donnée,
- mais il n’en devient propriétaire définitif qu’à l’issue d’une période d’acquisition (au minimum un an, souvent plus), prévue par le plan d’octroi,
- enfin, même après acquisition, il existe une période de conservation imposée pour des raisons fiscales (généralement deux ans).
L’objectif est double :
- associer les salariés à la performance de l’entreprise,
- inciter à la fidélité : un salarié qui sait qu’il peut réaliser un gain substantiel en restant jusqu’à l’échéance aura tendance à prolonger son engagement.
Le sort des AGA et stock-options en cas de rupture du contrat de travail
En principe, les plans d’AGA ou de stock-options prévoient que la condition de présence est essentielle :
- si le salarié démissionne, il perd ses droits non encore acquis,
- certaines hypothèses de maintien sont généralement prévues (décès, retraite, invalidité),
- mais en cas de licenciement, la situation est plus nuancée.
En cas de licenciement « ordinaire »
En cas de licenciement, la règle est claire : les droits non acquis au jour de la rupture sont perdus.
En cas de licenciement abusif
Toutefois, si la juridiction prud’homale juge que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut demander réparation de la perte de ses AGA et options.
La Cour de cassation a reconnu que ce préjudice devait être apprécié selon la théorie de la perte de chance (par ex. : Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-45.664).
Ainsi :
- si l’acquisition devait intervenir quelques jours ou semaines après le licenciement, l’indemnisation est quasi intégrale,
- si l’acquisition était prévue plusieurs années plus tard, les chances d’en bénéficier étant aléatoires, l’indemnisation est fortement réduite.
Dans certains dossiers, le montant réclamé au titre de la perte de chance d’acquérir des AGA ou stock-options dépasse largement les dommages-intérêts pour licenciement abusif (souvent modestes en cas de faible ancienneté, compte tenu du barème Macron).
Le cas particulier de la vente de la société et du transfert des contrats de travail
La question se complique lorsque la société est vendue et que les contrats de travail sont transférés à un nouvel employeur (art. L. 1224-1 du Code du travail).
L’attente légitime des salariés
On pourrait penser que les salariés devraient conserver leurs droits, puisque la décision de vendre ne leur appartient pas. Ils pourraient estimer que la promesse initiale de l’employeur (« vous recevrez vos AGA ou options si vous êtes toujours dans l’entreprise à la date d’acquisition ») doit s’imposer au nouvel employeur.
La position de la Cour de cassation
Or, la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 juin 2025 (n° 23-19.748), a jugé le contraire :
- les salariés concernés par un transfert de contrat dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ont perdu automatiquement leurs AGA et options,
- l’employeur cédant n’a pas commis de faute : le transfert des contrats de travail étant légal et encadré par l’article L. 1224-1 du Code du travail qui prévoit spécifiquement la vente, il n’y a pas de manquement à la promesse initiale,
- les AGA et stock-options ne constituent pas un élément de rémunération protégé, mais bien des avantages capitalistiques subordonnés à la condition de présence.
En d’autres termes, le salarié perd ses AGA et stock-options lors de la cession de l’entreprise, sauf stipulation contraire du plan.
Une situation perçue comme injuste
Cette solution est particulièrement dure dans le cas d’une vente profitable, par exemple lors d’un LBO (leveraged buy-out) :
- les actionnaires et l’équipe dirigeante perçoivent souvent des gains considérables,
- tandis que les salariés, même ceux qui se sont investis fortement dans la réussite de l’entreprise, perdent le bénéfice de leurs attributions capitalistiques.
Quelles précautions pour les salariés ?
Les salariés doivent être vigilants lors de la négociation de leur contrat de travail ou de leur plan d’intéressement capitalistique :
- vérifier si le plan prévoit un maintien des droits en cas de vente ou de transfert,
- tenter de négocier des garanties contractuelles (clause spécifique dans le contrat de travail ou avenant),
En pratique, la volatilité du marché du travail, la faiblesse des indemnités de licenciement depuis le barème Macron, et la multiplication des ventes de sociétés par des fonds d’investissement, doivent inciter les cadres à être très attentifs à la rédaction du plan d’attribution.