Indemnité de non-concurrence : si vous ne voulez pas la perdre, prenez garde aux transactions rédigées en termes généraux !

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Indemnité de non-concurrence : si vous ne voulez pas la perdre, prenez garde aux transactions rédigées en termes généraux !

La clause de non-concurrence qui limite la liberté d'un salarié d'exercer, après la rupture de son contrat, des fonctions équivalentes chez un concurrent ou à son propre compte doit être rémunérée. Dans une décision surprenante, la Cour de Cassation considère désormais que si le salarié oublie de réclamer expressément dans le cadre d’une transaction l’indemnité de non-concurrence, il ne peut plus le faire par la suite.

L’absence de paiement de la contrepartie financière

En l’espèce, une salariée avait été engagée en qualité d'assistante service ressources humaines. Son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence. Après son licenciement pour motif personnel, les parties avaient signé un protocole transactionnel. Alors que l’employeur n’avait pas levé la clause de non-concurrence, il ne payait pas la contrepartie financière, que la salariée réclamait devant le Conseil de Prud’hommes.

Par arrêt du 25 juin 2019, la Cour d'appel de Grenoble donne raison à la salariée au motif que la transaction ne comprenait aucune mention « dont il résulterait que les parties au protocole ont entendu régler la question de l'indemnité de non-concurrence due à la salariée ». Contre toute sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation désavoue la Cour d’appel.

Un raisonnement qui profite à l’employeur

L’arrêt du 17 février 2021 caractérise un revirement important de jurisprudence, la Cour de cassation ayant eu jusque-là le raisonnement contraire. Dans un arrêt du 18 janvier 2012 (Cass. soc. n°10-14.974) la chambre sociale considérait par exemple que « les clauses contractuelles destinées à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail ne sont pas, sauf disposition expresse contraire, affectées par la transaction intervenue entre les parties pour régler les conséquences d'un licenciement ». Désormais, il y a lieu de considérer que si un litige survient entre un employeur et un salarié à l'occasion de la rupture du contrat de travail et que l'employeur et le salarié choisissent de régler leur différend par une transaction, ils renoncent alors à toute contestation ultérieure devant le Conseil de Prud'hommes y compris concernant la clause de non-concurrence si cette dernière n’est pas précisément visée dans le protocole transactionnel. Il suffit de se référer aux termes de l’arrêt qui ne laissent malheureusement aucune place à l’interprétation ! « En statuant ainsi, alors qu'aux termes de la transaction, les parties reconnaissaient que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil, et en particulier de l'article 2052 de ce code, ceci afin de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles et déclaraient, sous réserve de la parfaite exécution de l'accord, être totalement remplies de leurs droits respectifs et renoncer réciproquement à toute action en vue de réclamer quelque somme que ce soit, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ». 

Ainsi, désormais, il suffit de mentionner que la transaction met fin « à tout différend né ou à naître » pour priver les deux parties de toute action ultérieure « en vue de réclamer quelque somme de ce soit ».

Toutefois, si l’on pousse le raisonnement, l’employeur peut être également perdant

En effet, selon l’arrêt du 17 février 2021, ce n’est pas seulement le salarié qui s’engage par la transaction à renoncer à toute contestation ultérieure, c’est également l’employeur. Il devrait donc être privé logiquement de tout moyen de rétorsion contre le salarié qui a été maintenu dans les liens de la clause de non-concurrence et qui viole impunément cette dernière. On constate donc que ce sont donc les deux parties, employeur et salarié, qui à l’occasion de la signature du protocole transactionnel, doivent se préoccuper de la problématique de la clause de non-concurrence, et ce en fonction de leur situation spécifique.

Les précautions à prendre selon chaque situation

Ainsi, le salarié aura intérêt à passer la clause de non-concurrence sous silence dans le cadre de la transaction s’il veut se réserver d’exercer une activité concurrentielle. En revanche, si son intérêt est plutôt de toucher l’indemnité de non-concurrence qui, selon certaines conventions collectives, est particulièrement favorable (jusqu’à 60 % du salaire mensuel pour la convention de la métallurgie, et généralement 2/3 de mois pour la convention de la chimie) il doit désormais prévoir spécifiquement le paiement de l’indemnité de non-concurrence dans le cadre de la transaction.

En effet, désormais l’employeur ne peut plus fixer à sa guise les conditions de la dénonciation de la clause de non-concurrence. S’il entend lever cette dernière et donc s’exonérer de la contrepartie financière, il doit impérativement le faire au plus tard le jour où le salarié quitte physiquement l’entreprise. Ainsi, s’il entend dispenser le salarié de son préavis, ce qui est fréquent pour les cadres, il doit lever la clause de non-concurrence le jour du licenciement. Or, comme le protocole transactionnel ne peut être signé que postérieurement à la notification du licenciement, l’indemnité de non-concurrence est d’ores et déjà due au salarié qui a été dispensé de son préavis, et qui a donc quitté physiquement l’entreprise alors que sa clause de non-concurrence n’a pas été levé. Il doit donc penser à la réclamer expressément s’il ne veut pas la perdre.

Réciproquement, l’employeur qui tient à ce que le salarié respecte la clause de non-concurrence a intérêt à mentionner dans le protocole transactionnel qu’il pourra exercer des poursuites en cas de violation de la clause. 

En conclusion

Désormais, la plus grande prudence s’impose concernant la signature d’un protocole transactionnel prévoyant en termes généraux l’interdiction de contestation ultérieure. Le salarié doit veiller, pour éviter toute spoliation, à ce que la rédaction du protocole transactionnel soit adaptée à ses intérêts spécifiques.

 

 

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