Le salarié victime de harcèlement ne peut pas être licencié pour son agressivité au travail ! 

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Le salarié victime de harcèlement ne peut pas être licencié pour son agressivité au travail ! 

Le harcèlement moral peut exonérer le salarié de sa responsabilité potentielle en cas de comportement fautif dans l’entreprise. L’employeur ne peut pas licencier un salarié qui a commis des agressions verbales envers sa supérieure pour faute grave, lorsque ce comportement résulte du harcèlement moral dont il était victime selon la Cour de cassation dans un arrêt du 12 mai 2021, n° 20-10.512. 

Une attitude violente et une tenue négligée à l’origine du licenciement 

Dans cette affaire, un salarié avait été embauché en qualité de VRP exclusif. Il a été licencié pour faute grave le 22 juin 2012. Voici un extrait de la lettre notifiant son licenciement pour faute grave : « Comme nous avons pu vous l'indiquer lors de cet entretien, nous avons pu constater que vous adoptiez une attitude peu conforme avec l'image de marque de notre agence. Ainsi, vos clients se plaignent de votre absence de soin quant à votre tenue vestimentaire, l'un d'entre eux allant jusqu'à vous demander de vous raser et de mettre des vêtements repassés. Nous vous avions demandé à plusieurs reprises d'être plus attentif à votre style vestimentaire afin de ne pas paraitre négligé ce qui ne correspond pas à l'image de notre société et à notre clientèle (…) Enfin, au cours d'une réunion en date du 28 mai dernier, vous avez violemment pris à parti Mme [P] en l'insultant et en tentant de la frapper. Le stagiaire de l'agence a dû intervenir pour vous calmer face à cette attitude totalement inadmissible et compte tenu de l'ampleur de vos cris, un attroupement s'est formé devant la vitrine de l'agence craignant pour la sécurité des personnes présentes. Bien évidemment, cet accès de violence n'est pas tolérable. Cette conduite met en cause la bonne marche de l'entreprise. En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, votre maintien dans l'entreprise s'avérant impossible ».

« Extrêmement courtois et d'humeur égale » 

Le salarié avait eu un comportement violent à l’égard de sa supérieure hiérarchique, notamment au moyen d’une agression verbale. L’agression physique n’a été empêchée que grâce à l’intervention d’un tiers. Il saisit le CPH afin de contester son licenciement. La Cour d’appel fait droit à sa demande relevant que le salarié produisait 36 attestations indiquant qu'il était « un grand professionnel » ; « extrêmement courtois et d'humeur égale » ; « une personne courtoise et avenante ». Pour écarter le grief fondé sur une tenue vestimentaire négligée, la cour d'appel a relevé que les attestations produites par l'employeur étaient « totalement contredites par les très nombreuses attestations émanant de ses anciens employeurs, de ses partenaires et de très nombreux clients versées par le salarié qui font état d'une personnalité singulière mais très attachante, calme et très professionnelle ». Elle juge que cette agression du salarié n’était qu’une conséquence du harcèlement moral dont il était victime. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse. Pour rappel, le harcèlement se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique. Ce type de violence entraîne très souvent des séquelles graves chez la victime, pouvant aller d’états anxieux ou dépressifs jusqu’à des troubles du comportement. Le harcèlement peut alors entraîner de la part des victimes un recours à la violence, invoquée comme unique moyen de défense.  

Le résultat de l’état pathologique du salarié 

La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel. D’abord, cette dernière a retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le grief tiré d'une tenue vestimentaire négligée n'était pas établi. Ensuite, ayant constaté que l'agression verbale commise par le salarié résultait de son état pathologique, conséquence du harcèlement moral dont il était victime, elle a pu en déduire que ce comportement ne constituait pas une faute grave rendant impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Elle rappelle l’article L.1152-2 du Code du Travail, prévoyant qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral. La Cour de Cassation considère que quand il est établi que le salarié est victime de harcèlement moral, son comportement violent qui intervient en réaction ne peut constitue par une faute justifiant son licenciement. 
En définitive, la violence d’un salarié peut être excusée par le harcèlement qu’il subit. L’impact psychique du harcèlement est de très longue durée : une faible estime de soi, des tendances dépressives et une vulnérabilité relationnelle. Contrairement aux idées reçues, une personne harcelée peut aussi « exploser ». Rappelons que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en menant notamment des actions de prévention des risques professionnels ( C. trav. art. L. 4121-1), avec une attention particulière portée aux risques liés au harcèlement moral, au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes (C. trav. art. L. 4121-2). 

 

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