Pourquoi la différence entre les indemnités de départ et de mise en retraite discrimine les travailleurs seniors ?

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Pourquoi la différence entre les indemnités de départ et de mise en retraite discrimine les travailleurs seniors ?

Indemnité de départ vs mise en retraite : comment cette distinction nuit aux travailleurs seniors ? Si les régimes de départ et de mise en retraite ont été différenciés c’est pour inciter le salarié qui a la possibilité de faire valoir ses droits à la retraite à rester dans l’entreprise jusqu’à ce que l’employeur puisse le mettre en retraite. Avec malheureusement un coût de l’indemnité de mise à la retraite qui peut être prohibitif pour l’employeur et entrainer de ce fait de la discrimination et du harcèlement vis-à-vis des seniors.

La différence entre indemnité de départ et mise à la retraite : une source de discrimination pour les seniors ?!

Il ne faut pas confondre le départ et la mise à la retraite. Tout le monde a en tête la réforme des retraites. L’âge qui devrait reculer progressivement de 62 ans à 64 ans (en 2030), est celui auquel le salarié peut partir en retraite, à taux partiel, ou à taux plein s’il a cotisé le nombre de trimestre nécessaire (167 à 172 selon l’âge). Ce n’est que quand le salarié fête ses 70 ans que l’employeur peut le mettre à la retraite d’office, sans lui demander son accord. Il s’agit là d’une possibilité, et non pas d’une obligation. Certains salariés, certes peu nombreux, poursuivant leur carrière au-delà de 70 ans.

Un dispositif prévu à l’article D1237-2-1 du code du travail permet toutefois à l’employeur de mettre le salarié à la retraite de façon plus précoce mais à la condition d’obtenir son accord. Ainsi, il doit interroger le salarié 3 mois avant son anniversaire de 67 ans (âge de la retraite à taux plein même si le salarié n’a pas cotisé le nombre de trimestres nécessaires). Le salarié a un mois pour répondre. S’il donne son accord ou s’il ne répond pas, il sera mis à la retraite après respect du préavis de retraite. S’il fait part de son refus, l’employeur devra le garder en poste et renouveler la demande 3 mois avant l’âge de 68 ans, et en cas de nouveau refus, 69 ans.

La seule possibilité pour l’employeur de se séparer d’un salarié âgé de moins de 70 ans, qui n’a pas donné son accord pour être mis à la retraite prématurément, est de le licencier, avec le coût en résultant. 

Indemnité de départ à la retraite : une somme modique et entièrement taxée

L’indemnité que touche le salarié qui décide de partir de lui-même en retraite est très faible :

  • 0,5 de salaire après 10 ans,
  • 1 mois après 15 ans,
  • 1,5 mois après 20 ans,
  • 2 mois après 30 ans.

Il s’agit là de l’indemnité légale de licenciement qui s’applique sauf si le salarié bénéficie d’une indemnité conventionnelle de départ à la retraite plus généreuse.

De surcroit la totalité de l’indemnité de départ en retraite est soumise aux charges sociales et à l’impôt sur le revenu.

Le départ en retraite est rendu exprès peu incitatif, la volonté du législateur étant de maintenir les séniors le plus longtemps possible dans l’emploi, avec des cotisations retraite supplémentaires à la clé.

Indemnité de mise en retraite : un calcul beaucoup plus favorable pour le salarié

Quelles sont les indemnités de mise à la retraite ?

L’indemnité légale de mise en retraite est identique à l’indemnité légale de licenciement, soit :

  • 1/4 de mois par année pendant les 10 premières années,
  • 1/3 de mois par année pour les années au-dessus de 10 ans.

Le salarié peut bénéficier d’une indemnité conventionnelle de mise en retraite plus importante mais généralement l’indemnité fixée par la convention collective est inférieure à l’indemnité de mise en retraite légale. C’est cette dernière qui s’applique alors.

Régime fiscal des indemnités de mise à la retraite

Contrairement à l’indemnité de départ en retraite, l’indemnité de mise en retraite n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu quel que soit son montant. Pour inciter le salarié à rester le plus tard possible dans l’entreprise, le législateur a même prévu un avantage supplémentaire. Ainsi, si l’employeur entend spontanément le remercier pour ses bons et loyaux services, il peut lui verser une indemnité de retraite complémentaire, qui bénéficiera des mêmes exonérations fiscales et sociales que l’indemnité transactionnelle en cas de licenciement ou l’indemnité supplémentaire versée dans le cadre de la rupture conventionnelle.

Le salarié peut percevoir une indemnité totale, soit indemnité légale ou conventionnelle de mise en retraite plus indemnité complémentaire versée spontanément par l’employeur, de 2 ans de salaire, qui sera totalement exonérée d’impôt sur le revenu. Seule la partie supplémentaire aux deux ans sera taxée. Toutefois, pour les salaires importants, c’est un autre plafond qui s’applique, celui de l’article 80 duo decies du Code des impôts qui limite à 219.960 € soit 5 fois le PASS (alors que pour l’indemnité transactionnelle de licenciement il s’agit de 263.952 € soit 6 fois le PASS), le montant de l’indemnité totale de mise en retraite exonérée fiscalement. 

Régime social des indemnités de mise à la retraite

Concernant les charges sociales, elles s’appliquent différemment sur l’indemnité légale ou conventionnelle de mise en retraite ou sur l’indemnité complémentaire.

Ainsi :

  1. l’indemnité légale ou conventionnelle ne sera soumise aux charges sociales que pour la partie qui excèdera 87.984 € (2 fois le PASS),
  2. l’indemnité complémentaire, versée spontanément par l’employeur sera soumise pour la partie qui ajoutée à l’indemnité légale ou conventionnelle restera inférieure à 87.984 €, à la CSG/CRDS de 9,7% imputable au salarié. Elle sera soumise aux charges sociales pour la partie supérieure à ce plafond.

Le salarié qui au lieu de prendre sa retraite attend que l’employeur le mette en retraite est ainsi récompensé. Malheureusement les règles ainsi fixées peuvent s’avérer rédhibitoires pour l’employeur. 

Indemnités de mise à la retraite : les conséquences économiques

L’indemnité de mise en retraite prévue à l’article L1237-7 peut toutefois être prohibitive pour l’employeur. En effet l’employeur doit à l’heure actuelle payer une taxe de 50% sur la totalité de l’indemnité de mise en retraite.

Le coût de l’indemnité de mise en retraite pour un salarié qui a accompli l’ensemble de sa carrière au sein de la même entreprise sera faramineux, surtout s’il s’agit d’une petite structure. Ainsi, un salarié qui a 40 ans d’ancienneté a droit à une indemnité minimum de mise en retraite (indemnité légale) de 1/4 de mois jusqu’à 10 ans et 1/3 de mois au-delà, soit 12,5 mois de salaire. A cela s’ajoute la taxe de 50%, soit au total 18,75 mois de salaire.

On constate donc que l’employeur particulièrement exemplaire qui a conservé un salarié ancien jusqu’à sa mise en retraite est extrêmement pénalisé.

Indemnités de départ ou de mise à la retraite : machine à discriminer les séniors ?

Les règles divergentes du départ et de la mise en retraite engendrent la discrimination vis-à-vis des seniors. Plus le salarié est ancien et plus l’employeur craint en raison de la cherté de son indemnité de mise en retraite, qu’il ne s’incruste dans l’entreprise, attendant sa mise à la retraite, plutôt que de partir de lui-même dès qu’il est retraitable à taux plein.

Voilà pourquoi on observe dans certaines entreprises une volonté de dégrader exprès les conditions de travail des salariés âgés pour les dégoûter et les inciter à partir d’eux même en retraite dès qu’ils le peuvent légalement.

La pression s’exerce généralement non pas seulement une fois que le salarié remplit les conditions pour partir en retraite, mais des années avant, le but étant de le conditionner pour qu’il parte dès que possible.

Le climat délétère dans lequel évoluent les séniors au sein de l’entreprise est donc dû, notamment, aux règles fixées par l’Etat.

Ainsi, la taxe de 50% à la charge de l’employeur sur la totalité de l’indemnité de mise en retraite joue le rôle d’un épouvantail sans rapporter de subsides, et provoque la marginalisation de la mise en retraite par rapport au départ en retraite, soit le contraire de l’effet recherché.

Avec la réforme des retraites, suppression de la taxe de 50% et instauration d’un forfait social à 30%

Il s’agit là d’un effet positif de la réforme si elle était adoptée. La taxe de 50% qui a un effet nocif serait supprimée, son remplacement par le forfait social à 30% ayant des conséquences limitées. En effet le forfait social s’appliquerait non pas sur la totalité de l’indemnité mais uniquement sur l’indemnité légale et/ou conventionnelle et sur la partie d’indemnité complémentaire versée spontanément par l’employeur qui donne lieu au paiement par le salarié de la CSG/CRDS de 9,7%, soit celle qui ajoutée à l’indemnité légale ou conventionnelle de mise à la retraite reste inférieure au plafond de 87.984 € (2 fois le PASS).

Le forfait social de 30% déjà limité pour les ruptures conventionnelles ne devrait quasiment rien rapporter à l’Etat sur les indemnités de mise à la retraite.

Quelles règles permettraient le maintien dans l’emploi des séniors, sans discrimination ?

Pour Maitre Françoise de Saint Sernin, cela passe probablement par une harmonisation des indemnités de départ et de mise en retraite, tant dans leur montant que dans leur taxation. Ainsi pourquoi ne pas prévoir que l’employeur puisse, comme dans le cadre de la mise à la retraite, proposer au salarié de lui verser une indemnité supplémentaire, exonérée de charges sociales et d’impôt sur le revenu (jusqu’aux plafonds ci-dessus indiqués) en remerciement de sa collaboration.

Le salarié partirait ainsi de lui-même en retraite, non pas sous la pression, mais dans des conditions consensuelles.

 


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