De plus en plus de hello bonus (prime d'arrivée) lors de l'embauche : pourquoi ?

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De plus en plus de hello bonus (prime d'arrivée) lors de l'embauche : pourquoi ?

Le hello bonus, prime versée au moment de l’embauche, est à présent souvent réclamé par le salarié et même proposé spontanément par l’employeur. Du fait d’un arrêt de la Cour de Cassation du 11 mai 2023, elle pourrait même supplanter le golden parachute ou indemnité contractuelle de licenciement en tant que garantie contre le licenciement. Cadre Averti analyse les raisons de cette évolution.

Des salariés en position de force du fait de la pénurie d’embauche.

Pour pouvoir exiger le paiement d’un hello bonus ou prime d’arrivée, le salarié doit disposer d’un pouvoir de négociation dans un marché du travail qui expose l’employeur à des difficultés de recrutement. Un graphique de l’Insee permet de comprendre la situation actuelle.

 

Projection de la population active moyenne annuelle - source insee

Source : Insee

Entre 1970 et 2015, la population active, du fait de l’évolution de la démographie, a augmenté de 5 millions de personnes, soit environ 215.000 personnes supplémentaires par an déversées chaque année sur le marché du travail avec une obligation de croissance pour les absorber, et donc un grand choix offert aux entreprises pour recruter. Depuis 2015 c’est terminé, la population active est particulièrement étale entre 2020 et 2030, le chômage régresse automatiquement et les salariés peuvent se montrer plus exigeants lors de leur embauche.

Le hello bonus et le golden parachute, les garanties qui viennent pallier l’absence d’indemnisation en cas de licenciement abusif.

Les pratiques du golden parachute, soit l’indemnité contractuelle de licenciement, et encore plus du hello bonus, prime versée lors de l’embauche, étaient marginales en France avant 2017. A cette époque le salarié ne se préoccupait pas d’obtenir des garanties lors de son recrutement. Il savait qu’en cas de licenciement abusif il pourrait obtenir une indemnisation appropriée devant le Conseil de prud’hommes. Depuis 2017, le barème Macron limite très fortement, en fonction de l’ancienneté, les indemnités judiciaires du licenciement abusif et comme les salariés n’accumulent plus une grande ancienneté au sein de la même entreprise, ils ne saisissent plus le Conseil de prud’hommes qui ne peut désormais leur accorder que des indemnités dérisoires. A présent, la France s’aligne sur les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Les salariés savent par avance qu’ils n’obtiendront pas d’indemnisation au moment de leur licenciement, même si ce dernier est totalement abusif. L’employeur qui ne risque plus rien sur le plan judiciaire n’a pas de raison de leur proposer une indemnité transactionnelle de licenciement. C’est donc au moment de la signature de leur contrat de travail, s’ils sont en position d’obtenir des garanties contre le licenciement, que les salariés négocient ces dernières.

Les différences entre le hello bonus/prime d’arrivée et le golden parachute/indemnité contractuelle de licenciement.

  1. Le hello bonus ou prime d’arrivée, appelé également golden hello/prime de bienvenue/prime à la signature, est versé en une ou plusieurs fois dans la période qui suit l’embauche. Son montant peut être important. C’est le cas par exemple quand le salarié fait valoir que du fait de son recrutement intervenant en cours d’année il doit renoncer au bonus qu’il aurait perçu s’il était resté chez son précédent employeur. Il exige alors, bien sûr s’il est en position de force, que le nouvel employeur lui verse une prime d’arrivée correspondant à tout ou partie de la rémunération variable à laquelle il a dû renoncer.

Toutefois, le hello bonus est généralement limité, l’employeur ne voulant pas risquer que le salarié nouvellement embauché ne décide, une fois la prime empochée, de quitter l’entreprise. Par ailleurs, le hello bonus ou prime d’arrivée coûte cher puisque s’agissant d’une prime exceptionnelle, et donc de salaire, il est intégralement soumis aux charges sociales et fiscales.

  1. Au moyen du golden parachute ou indemnité contractuelle de licenciement dont les modalités doivent être fixées dans le contrat de travail ou un avenant consécutif, l’employeur s’engage à verser au salarié, en cas de licenciement (il est généralement prévu en cas de licenciement sauf faute grave ou lourde) une indemnité correspondant à un certain nombre de mois de salaire. Le salarié garde la possibilité, s’il estime que son licenciement est abusif, d’obtenir des dommages et intérêts judiciaires qui lui seront versés en sus de l’indemnité contractuelle de licenciement. L’indemnité contractuelle de licenciement étant versée lors du licenciement est soumise au même régime social et fiscal que l’indemnité transactionnelle de licenciement.

Toutefois, l’indemnité contractuelle de licenciement présente un gros désavantage pour le salarié.

L’indemnité contractuelle de licenciement a en France, et contrairement aux autres pays, une particularité. Malgré son nom elle n’a pas de caractère contractuel et constitue en réalité une « clause pénale » soumise, si l’employeur le décide, à l’appréciation du juge. La raison en est la suivante : l’employeur doit pouvoir conserver la possibilité de licencier librement, il ne faut pas qu’il en soit empêché du fait d’une indemnité contractuelle de licenciement dont le montant serait rédhibitoire. Ainsi, très souvent l’employeur ne règle pas, au moment du solde de tout compte, l’indemnité contractuelle de licenciement. Il oblige le salarié à saisir le Conseil de prud’hommes, lequel décidera s’il y a lieu de maintenir le montant fixé ou de le minorer, cela au bout de longs mois, sinon années, de procédure.

En quoi la Cour de Cassation par son arrêt du 11/05/2023 incite le salarié à réclamer un hello bonus plutôt qu’un golden parachute ?

L’affaire concerne un opérateur sur les marchés financiers qui avait obtenu un hello bonus de 150.000 € mais avec une interdiction de démissionner avant un délai de trois ans sauf à devoir restituer à la société 1/36ème de la prime pour chaque mois écoulé entre la date de la démission et l’anniversaire des 3 ans de l’embauche.

La Cour d’Appel fait le parallèle avec l’indemnité contractuelle de licenciement qui ne saurait entraver l’employeur dans la liberté qu’il doit conserver de pouvoir licencier. Selon la Cour d’Appel l’obligation de restitution de la prime d’arrivée « qui avait pour effet de fixer un coût à la démission portait atteinte à la liberté de travailler du salarié ».

Or, pour la Cour de Cassation (11/05/2023, n° 21-25.136) « Une clause convenue entre les parties dont l’objet est de fidéliser le salarié dont l’employeur entend s’assurer la collaboration dans la durée peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certain durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue ».

Le fait de pouvoir soumettre le hello bonus ou prime d’arrivée à une restitution en cas de départ prématuré présente des avantages pour l’employeur et pour le salarié :

  • L’employeur, du fait de l’obligation de restitution, ne craint plus de verser un montant conséquent. Il s’assure ainsi de la fidélité du salarié pendant la période donnant lieu à restitution.
  • Le salarié perçoit d’emblée un montant qui peut être important et qui le garantit d’avance (mieux vaut tenir que courir) en cas de licenciement abusif postérieur.

 


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