Forfait en jours : quelles sont les obligations qui pèsent sur l’employeur ? 

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Forfait en jours : quelles sont les obligations qui pèsent sur l’employeur ? 

La durée du travail d’un cadre en forfait jour n’est pas comptabilisée en heures, mais en nombre de jours travaillés dans l’année pour permettre, sur le papier du moins, une plus grande liberté afin d’organiser son emploi du temps. Les forfaits annuels en jours sont mis en place par une convention ou un accord de branche, ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement. Comme le rappelle régulièrement la jurisprudence, les modalités doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers ou hebdomadaires grâce à un contrôle effectif et fréquent de la réalité du travail effectué. 

Le forfait jour, un dispositif dérogatoire aux 35H

La convention doit fixer le nombre de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours (C. trav., L.3121-54). 
Les salariés en forfait jours ne sont pas soumis aux dispositions suivantes du code du travail : 
  • Aux 35 heures, soit la durée légale hebdomadaire du travail (C. trav. L. 3121-27) ;
  • À la durée quotidienne maximale de travail effectif qui est de 10 heures (C. trav. L. 3121-18) ; 
  • À la durée hebdomadaire maximale de travail qui est de 48 heures au cours d’une même semaine, et de 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines (C. trav. L. 3121-20 et L. 3121-22).
En revanche, afin d'éviter un surcroît inadmissible de travail, les salariés en forfait en jours sont soumis à la réglementation relative au repos légal qui impose un arrêt quotidien continu de 11 heures entre deux journées, et un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives. Il en résulte que les journées de travail ne peuvent excéder 13 heures. A noter également, selon le Code du travail (C. Trav. L3121-61), « lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause conventionnelle ou contractuelle contraire, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à sa qualification ». 

La convention collective doit prévoir un suivi effectif et régulier du travail 

Toute convention de forfait en jours doit prévoir des modalités de contrôle pour assurer la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. Dans une récente affaire, la Cour de Cassation (Cass. soc., 13 octobre 2021, n° 19-20.561) rappelle ainsi que les dispositions de la Convention collective instituant le forfait jour, qui se bornent à prévoir : « que le nombre de jours travaillés dans l'année est au plus de 205 jours, que le contrôle des jours travaillés et des jours de repos est effectué dans le cadre d'un bilan annuel, qu'un suivi hebdomadaire vérifie le respect des règles légales et conventionnelles les concernant en matière de temps de travail, notamment les onze heures de repos quotidien » ne sont pas suffisantes. La Cour de Cassation exige une véritable discussion sur le suivi de la charge de travail « comme le faisait valoir le salarié dans ses écritures, aucun des formulaires produits aux débats, hormis celui de 2015, ne comportait d'annotations manuscrites de sa part ou du représentant de l'employeur qui puissent établir que l'organisation et sa charge de travail ainsi que l'amplitude de ses journées d'activité avaient effectivement été évoquées pendant les entretiens annuels des années 2012 à 2014 inclus ». Or, les problèmes d'organisation et de surcharge de travail dans l'agence qu'il dirigeait avaient été signalés dès 2011 par le cabinet d'expertise Secafi, puis en 2013 par les membres du CHSCT. Par conséquent, faute d’instituer des règles de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, les dispositions de la convention collective n’étaient pas suffisantes pour garantir que l'amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé. La Convention collective nationale du Crédit agricole de forfait en jours était donc nulle.

L’employeur doit vérifier que le salarié prend ses jours de récupération 

Un employeur, qui ne vérifie pas que son salarié en forfait prend effectivement ses jours de récupération, qui ne regarde pas les relevés de badge pour voir si la durée maximale de travail n’est pas dépassée et qui n’organise pas un entretien annuel pour apprécier la charge de travail, n’assure pas un suivi effectif et régulier du temps de travail du salarié selon un récent arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 30 juillet 2021 (CA Aix-en-Provence, 30/07/2021, n° 18/14034). La Cour d’appel constate que l’employeur disposait des relevés des jours travaillés par tous les directeurs, lui permettant de constater que le salarié n’avait pas pris tous les jours de récupération auxquels il pouvait prétendre. Son relevé de badge indique également qu’il accomplissait des journées de travail d’une durée supérieure à dix heures. L’employeur n’a réalisé aucun entretien annuel relatif à l’exécution de la convention de forfait. Or, compte tenu de la nécessité de garantir au salarié une charge de travail raisonnable (principe d’ordre public), le code du travail prévoit le suivi de la charge de travail du salarié. La Cour juge donc que l’employeur n’a pas mis en œuvre des modalités concrètes de suivi effectif et régulier de l’amplitude et de la charge de travail du salarié, susceptibles de constituer une garantie suffisante pour assurer sa protection. La convention de forfait est nulle. Le salarié est donc en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires.

La preuve des jours supplémentaires travaillés ne pèse pas que sur le salarié

La charge de la preuve des jours de travail supplémentaires dans le cadre d’une convention de forfait en jours ne pèse spécialement sur aucune des parties selon un autre arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. soc., 2 juin 2021, n° 19-16.067). La Cour de cassation rappelle l’article L.3171-4 du Code du Travail, suivant lequel en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa conviction. En l’espèce, la Cour a constaté que le salarié avait fourni des éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés. À l’inverse, l’employeur n’avait fourni aucun élément. La Cour d’appel ne pouvait donc pas se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter sa demande. Il devait examiner les éléments du salarié et de l’employeur. La Cour rappelle ainsi que la preuve des jours supplémentaires travaillés n’incombe spécialement à aucune des parties.

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