Canicule au travail : droits des salariés et obligations des entreprises ? 

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Canicule au travail : droits des salariés et obligations des entreprises ? 
Les épisodes de canicule ou de fortes chaleurs sont à l’origine de troubles pour la santé (déshydratation, épuisement thermique) voire d’accidents du travail dont certains peuvent être mortels (en cas d'élévation de la température corporelle supérieure à 41°C). Cadre Averti rappelle les gestes à adopter dans les entreprises.  

Fortes chaleurs : l’obligation générale de l’employeur 

L'article L. 4121-1 du code du travail prévoit que « l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique de tous les travailleurs ». Cela implique qu’il doit anticiper les fortes chaleurs et adapter l’organisation de travail. Le code du travail prévoit notamment des mesures générales qui s’appliquent à tous les salariés et des mesures particulières propres à certains secteurs notamment dans le BTP où les travaux sont souvent physiques et en extérieur ce qui accroit les risques. Aux termes de l’article R. 4121-1 du code du travail, les « ambiances thermiques », dont le risque de « fortes chaleurs » ont ainsi vocation à être prises en compte dans le cadre de la démarche d’évaluation des risques via la mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER) (Cass. Soc. 8 Juillet 2014, n° 13-15.470). 

Mettre de l’eau à disposition mais aussi adapter les horaires de travail 

Concernant les obligations pendant une période de canicule, le législateur impose à tout employeur de mettre : « à la disposition du personnel de l'eau potable et fraîche pour la boisson » (article R.4225-2 du code du travail). Il appartient à l’employeur de déterminer l’emplacement des postes de distribution des boissons, à proximité des postes de travail et dans un endroit remplissant toutes les conditions d’hygiène (R.4225-4 du code du travail).
Selon les instructions du ministère du Travail, il appartient à l’employeur, au titre de son obligation de sécurité, de procéder en phase de vigilance rouge à une réévaluation quotidienne des risques encourus par chacun des salariés en fonction :
  • de la température et de son évolution en cours de journée ;
  • de la nature des travaux devant être effectués,
  • de l’âge et de l’état de santé des travailleurs.
Par exemple, il est possible d’aménager les horaires de travail pour commencer plus tôt et éviter les heures les plus chaudes (L.4121-1 et 4121-2 du code du travail). Cela nécessitera néanmoins l’accord des salariés notamment ceux qui ont des charges de famille. 

Période de canicule : est-ce qu’il existe une température maximale pour travailler ? 

Le code du travail ne prévoit pas de température maximale permettant de quitter le lieu de travail en cas de canicule. Toutefois, une recommandation R 226 de la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés) préconise par exemple l’évacuation des locaux au-delà de 34°C, en cas « d’arrêt prolongé des installations de conditionnement d’air dans les immeubles à usage de bureaux ».
La vigilance rouge correspond à la fois à un événement météorologique exceptionnel et à une vigilance sanitaire justifiant une « mobilisation maximale ». Si l’évaluation fait apparaître que les mesures prises sont insuffisantes, notamment pour les travaux accomplis à une température très élevée et comportant une charge physique importante, par exemple travaux d’isolation en toiture ou de couverture, manutention répétée de charges lourdes, l’employeur doit alors décider de l’arrêt des travaux.

En cas d’arrêt du travail pour cause de canicule, le salarié doit-il rattraper les heures perdues ? 

Suivant l’article L. 3121-50 du code du travail, en cas d’intempéries ou cas de force majeure, les heures de travail non effectuées, dites heures perdues, peuvent alors être récupérées. Une catastrophe naturelle, un événement climatique exceptionnel sont des cas de force majeure, si ces situations imprévisibles échappent au contrôle des personnes et sont par nature inévitables. La mise en place des heures perdues est prévue par l'employeur. En l'absence d'accord collectif, la durée du travail ne peut pas être augmentée de plus d'1 heure par jour. Les heures perdues à effectuer ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires.

Peut-on bénéficier du télétravail en période de canicule ? 

La réponse est positive. Les mesures d’aménagement des postes de travail, de la charge de travail, des horaires et plus généralement de l’organisation du travail doivent être ajustées pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs pendant toute la durée de la période de vigilance rouge (canicule extrême). En cas de fortes chaleurs, la liste des salariés bénéficiant du télétravail doit être réexaminée, en prêtant une attention particulière aux femmes enceintes, aux personnes souffrant de pathologies chroniques ou en situation de handicap, etc. Si aucune obligation n’est établie pour les autres salariés, le bon sens devrait être de rigueur. En effet, un salarié essoré par la chaleur dans les transports ne sera pas productif en arrivant au travail.

Peut-on venir en short au travail quand il fait chaud ?

Vous rêvez de mettre un short, une jupe ou des tongs pour vous rendre au travail ? Ce n’est pas forcement une bonne idée. Si « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », la liberté de se vêtir n'est pas une liberté fondamentale. L’employeur peut donc prévoir des restrictions concernant la tenue vestimentaire dans le règlement intérieur applicable au sein de l’entreprise. Lorsque la contrainte vestimentaire imposée au salarié est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (sécurité ou image vis-à-vis de la clientèle) et que le salarié refuse de s'y soumettre, l'employeur a la possibilité de prendre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement (Cass. Soc. 22 juillet 1986, n°82-43.824). 

Comment minimiser les risques de transmission du Covid-19 tout en assurant la ventilation des locaux ? 

Dans un document « Ventilation et climatisation : Quelles précautions prendre contre le Covid-19 en cas de fortes chaleurs ? », l’INRS recommande d’abord l’utilisation de stores extérieurs qui permettent de limiter le réchauffement des locaux lorsque le soleil donne sur les fenêtres. En cas de fortes chaleurs, l’ouverture des fenêtres pendant les heures les moins chaudes de la journée, voire la nuit, permet de rafraîchir les locaux. Dans les locaux occupés par plus d’une personne, il est conseillé de n’utiliser la climatisation que lorsqu’elle est nécessaire pour assurer des conditions de travail acceptables. Lorsque celle-ci est utilisée, les débits de soufflage doivent être limités de façon à ce que les vitesses d’air au niveau des personnes restent faibles. Concernant les ventilateurs utilisés pour le rafraîchissement des personnes, ces derniers produisent des vitesses d’air élevées qui peuvent transporter des contaminants sur des distances importantes. Il convient donc d’éviter leur utilisation autant qu’il est possible dans les locaux occupés par plus d’une personne.

Fortes chaleurs : peut-on arrêter de travailler ? 

En cas de non respect des obligations de prévention de son employeur, le salarié peut faire usage de son droit de retrait et donc cesser immédiatement toute activité. En effet, selon l’article L.4131-1 du code du travail, le salarié qui a un motif raisonnable de penser qu’il se trouve dans une situation de travail présentant un « danger grave et imminent » pour sa vie ou sa santé, peut arrêter son travail, à condition d’en alerter immédiatement l’employeur. Aucune sanction et aucune retenue de salaire ne pourra être prise à son encontre (article L.4131-3 du code du travail). Est nul le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste de travail dans une situation de danger. Il a ainsi été jugé que l’employeur ne peut pas licencier pour faute grave un aide-couvreur qui a exercé son droit de retrait de façon légitime pendant une canicule (Cass. Soc. 1 avril 2009, 07-45.511). Le salarié devra toutefois être prudent et alerter immédiatement son employeur par un écrit (SMS, mail…) qui précise les raisons qui le poussent à devoir arrêter le travail afin d’éviter tout contentieux ou mauvaise interprétation sur ses intentions. Si le salarié exerce son droit de retrait de façon abusive, il pourra en revanche être sanctionné. L’appréciation des risques liés aux fortes chaleurs se fait au cas par cas. Contrairement à un couvreur sur un toit, un surveillant de baignade sur une plage qui dispose d'un parasol, d'eau et d'une tenue légère ne risque pas de danger particulier. 

Fortes chaleurs : en l’absence de mesure de prévention, l’entreprise peut-elle être sanctionnée ? 

Oui, tout d’abord des agents de contrôle de l’inspection du travail sont susceptibles de vérifier que les dispositions relatives à l’aménagement des locaux de travail sont mises en oeuvre : l’obligation de mettre à disposition des boissons (articles R. 4225-2 et suivants) et de protéger les travailleurs des conditions climatiques, dans la mesure du possible, lorsqu’ils sont employés à l’extérieur (article R. 4225-1). Ces dispositions peuvent donner lieu à la notification d’une mise en demeure préalable au procès-verbal (article L. 4721-4). En cas de situation dangereuse résultant du non-respect des principes généraux de prévention, les agents de contrôle pourront transmettre à la DREETS (inspection du travail) un rapport en vue de la notification d’une mise en demeure (article L. 4721-1 du code du travail). Enfin, en cas d’accident l’employeur engage également sa responsabilité en particulier s’il n’a pas pris les mesures de prévention adéquates. 

 

Pour aller plus loin : 


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