Espionnage de salariés : une sanction de 1 million d’euros pour IKEA 

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Espionnage de salariés : une sanction de 1 million d’euros pour IKEA 

Accusé d'espionnage de plusieurs centaines de ses salariés pendant trois ans, entre 2009 et 2012, le groupe IKEA en France a été condamné le 15 juin 2021 à une amende de 1 million d'euros pour recel de collecte de données à caractère personnel. L’occasion pour Cadre Averti d’interroger le code du travail : l’employeur peut-il mettre en place un système de surveillance massif de ses salariés ?

L’employeur peut-il organiser la filature de ses salariés ?

Pour la Cour de Cassation, la filature organisée pour contrôler l’activité d’un salarié est un mode de preuve illicite en ce qu’elle porte nécessairement une atteinte à la vie privée ne pouvant, eu égard à son caractère disproportionné, être justifiée par les intérêts légitimes de l’employeur (Cass. soc. 26 novembre 2002 n° 00-42.401). Un compte rendu de filature ne pourra donc pas servir d’élément de preuve et doit être écarté des débats par le juge prud’homal (Cass. soc. 3 décembre 2008 n° 07-43.301).

L’employeur peut-il surveiller ses salariés grâce à la vidéosurveillance ?

Comme le rappelle la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) sur son site internet, sur le lieu de travail comme ailleurs, les employés ont droit au respect de leur vie privée. En tout état de cause, comme le rappellent notamment les juridictions sociales, si l’employeur peut contrôler l’activité de ses salariés, il ne peut les placer sous surveillance permanente, sauf dans des cas exceptionnels dûment justifiés au regard de la nature de la tâche. Par exemple, des caméras peuvent être installées sur un lieu de travail à des fins de sécurité des biens et des personnes, à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols, de dégradations ou d’agressions. Les caméras ne doivent pas non plus filmer les zones de pause ou de repos des employés, ni les toilettes. Si des dégradations sont commises sur les distributeurs alimentaires par exemple, les caméras ne doivent filmer que les distributeurs et pas toute la pièce.

L’employeur peut-il surveiller ses salariés en télétravail ?  

La CNIL a apporté des précisions sur la protection des données personnelles dans le cadre d’un "questions-réponses sur le télétravail".  L’employeur conserve son pouvoir de contrôle de l’exécution des tâches confiées à son salarié, avec certaines  limites comme :

- ne pas mettre en place des dispositifs de contrôle qui pourraient porter atteinte au respect des droits et libertés du salarié (vie privée). Par exemple, la webcam du salarié, ne doit pas servir à contrôler le temps de travail du télétravailleur. 

- Informer ses salariés dans la mise en œuvre de dispositifs de contrôle de l’activité. Le système ne doit pas non être détourné de sa finalité. Par exemple, l’employeur peut contrôler les horaires de consultation de la messagerie à condition de prévenir le salarié en amont. 

La généralisation des outils de surveillance permanente tels que dispositifs vidéo ou audio, keyloggers (enregistreur de touches), etc. est proscrite. La CNIL préconise une adaptation des méthodes d’encadrement (contrôle de la réalisation d’objectifs sur une période donnée, compte rendu régulier). L'instance recommande également aux employeurs de ne pas imposer l’activation de la caméra lors des visioconférences pour respecter la vie privée des salariés. 

L’employeur peut-il consulter les réseaux sociaux publics ou la messagerie professionnelle du salarié ?

L’article 9 du Code civil assure à chacun le droit au respect de sa vie privée. Toutefois les salariés doivent être prudents en particulier sur Internet. Les atteintes à l’image ou à la réputation de l’entreprise ou encore les manquements à une obligation contractuelle légitime pourront permettre à l’employeur de s’immiscer dans la vie personnelle du salarié et de procéder à son licenciement. Selon une jurisprudence du 30 septembre 2020 de la Cour de Cassation, un employeur peut en effet utiliser une publication Facebook privée pour licencier, si ce message est arrivé à lui par le biais d'une personne tierce. Concernant les messages reçus ou envoyés depuis le poste de travail mis à disposition par l’employeur, ils ont par principe un caractère professionnel. Dans ce cas, l’employeur peut les consulter, même en l’absence du salarié. Toutefois, si le message est clairement identifié comme étant personnel, par exemple, si l’objet du message précise clairement qu’il s’agit d’un message privé ou personnel, l’employeur ne doit pas en prendre connaissance. Il doit respecter le secret des correspondances privées. 

Qui alerter en cas de surveillance excessive ?

Le salarié peut alerter non seulement les représentants du personnel de son entreprise, la médecine du travail ou un avocat mais aussi les autorités compétentes. En cas de plainte d’un salarié, la CNIL peut par exemple réaliser des contrôles à distance, sur place, sur audition ou sur pièces. En cas de non-respect du RGPD (règlement général sur la protection des données) ou de la loi, la CNIL pourra ensuite mettre en demeure les entreprises de se conformer au RGPD et à la loi. Elle peut prononcer une sanction financière pouvant aller jusqu’à 4% du chiffre d’affaire de la société. La sanction pourra même être rendue publique sur le site de la CNIL en fonction de la gravité des cas.

 

Rappelons finalement qu’à partir du moment où les moyens mis sont oeuvre sont proportionnés au but recherché (sécurité des biens ou des personnes, contrôle du travail, respect des horaires, etc.) l’employeur peut surveiller ses salariés. Le respect de la vie privée du salarié dans le cadre professionnel ne s’oppose pas à la surveillance dès lors que les principes fondamentaux sont respectés.

À propos de Cadre Averti

Conçu par Françoise de Saint Sernin, avocate spécialisée dans la défense des intérêts des cadres et dirigeants au sein du cabinet saintsernin-avocats.fr, Cadre Averti a pour ambition de répondre aux premières interrogations de salariés confrontés à un aléa de carrière. Ce site propose ainsi un grand nombre de fiches techniques permettant immédiatement de comprendre les enjeux d’un dossier et de se repérer dans le maquis des textes.

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